La Porte des rêves
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La propriété Caillebotte nous propose, ce printemps, un ensemble de cent quatre-vingts œuvres méconnues ou inédites de cinquante artistes, un ensemble singulier du mouvement symboliste, issues d’une collection privée.
Une collection étonnante où la vision des collectionneurs nous mène de la légendaire licorne, avec La princesse à la licorne d’Armand Point (1860-1932), à la fée Mélusine ou au vampire, avec Le Vampire Pandore de Boleslas Biegas (1877-1954), et bien sûr des portraits.
Les œuvres formant cette exposition expriment le mystère, l’élan mystique, et pour certaines la passion funeste. Les thèmes proposés sont des vierges liliales, des héros androgynes, des succubes hideux ou des portraits idéalisés comme La Pensée, d’Alexandre Séon (1855-1917), un visage de profil, une longue chevelure blonde sur laquelle est posée une couronne de pensées.
Nous entrons dans une ambiance décalée, où nous pourrions croiser le Sar Péladan, Marcel Schwob ou Dante Gabriel Rossetti. Dans le salon, où règnent des meubles sombres, sont disposés des bronzes de Camille Claudel (1864-1943) et de Bohumil Kafka (1878-1942), et les murs accueillent des peintures d’Armand Point, de Romaine Brooks (1874-1970), d’Ary Renan (1857-1900) et de Georges Desvallière (1861-1950). Ce titre, « Porte des rêves », est bien justifié, car nous franchissons effectivement une porte qui nous permet d’entrer dans une ambiance inouïe.
Le Narcisse, de Georges Desvallière, réalisé dans une esthétique proche de Gustave Moreau, dont il fut l’élève ; La princesse à la licorne, d’Armand Point (1860-1932), qui est accrochée à côté de son dessin préparatoire : ces deux tableaux nous interpellent dans la pénombre. Sur une table massive est posé un relief en cire coloré de Henry Cros (1840-1907), La chevauchée, représentant un seigneur et sa dame ; perchée sur la bibliothèque, nous remarquons une Tête de Méduse, du même artiste. De Lucien Lévy-Dhurmer (1865-1953), un visage de femme, Hélène de Troie, sur un fond rougeoyant, aux yeux bleus et à la chevelure rousse, dans un style Art nouveau, où se mêlent des plumes de paon.
Puis nous entrons dans une chambre meublée et décorée Art nouveau. Nous y trouvons, de Lévy-Dhurmer, le portrait de la comédienne Marguerite Moreno (1871-1948), portant une coiffe de sœur Gudule. Melle Moreno était la muse des symbolistes et confidente de Stéphane Mallarmé. Deux Ophélie sont accrochées : l’une, de Lévy-Dhurmer, qui se noie dans les eaux bleues où flottent des nénuphars – elle représente l’actrice Suzanne Reichenberg (1853-1924), qui fut célèbre pour ses rôles d’ingénue –, et celle d’Henri Gervex (1852-1929), qui représente la cantatrice australienne, Nelly Melba (1861-1931), couronnée de coquelicots.
Nous trouvons également des œuvres d’Alphonse Osbert (1857-1939), peintre des sous-bois où règnent le mystère et la nuit, avec des personnages habillés à l’antique. Son Mystère de la nuit fut présenté au dernier Salon de la Rose-Croix de 1897. De Charles Lacoste (1870-1959), qui fixa dans Hyde Park (1894), l’instant particulier où, le matin, les couleurs se dégagent peu à peu de la brume.