La si belle et brillante Valentine

Publié le 05/02/2024

Ce Portrait de Valentine Delessert d’Ary Scheffer a été adjugée 73 400 €

Jonquet /Boulogne enchères

Le Musée de la vie romantique, rue Chaptal, à Paris, porte bien son nom. La succession de personnalités littéraires et artistiques qui passèrent dans cette maison est impressionnante. Lorsque le peintre d’origine hollandaise Ary Scheffer (1795-1858), la fit construire, il ne pouvait songer que durant un siècle et demi ses murs seraient imprégnés de tant de conversations brillantes. Delacroix y venait en voisin, comme Chopin qui jouait volontiers sur le piano Pleyel. Ils retrouvaient Liszt et Marie d’Agoult, mais aussi Rossini, Tourgueniev, Dickens ou Pauline Viardot, et combien d’autres ?

Ary Scheffer, qui était le professeur de dessin des enfants du duc d’Orléans, futur Louis-Philippe Ier, depuis 1822, connut très vite une intense activité artistique, fréquentant les salons, dont celui de Valentine Delessert (1806-1894), dans son hôtel de Passy, dont il exécuta, en 1830, le portrait. Cette huile sur panneau a été adjugée 73 400 €, à Boulogne-Billancourt, le 21 décembre 2023 par la maison Jonquet. « Ary Scheffer s’éloigne ici de l’esthétique du portrait ingresque : l’extrême douceur qui émane du tableau est caractéristique de son travail […] Scheffer se sert admirablement du panneau pour, par ses légers coups de pinceau et son harmonie de blanc et gris, donner de la tendresse et de la légèreté au modèle », explique René Millet, l’expert de la vente.

Valentine Delessert était la fille du comte Alexandre de Laborde, homme politique et archéologue. Elle épousa en 1824 le député Gabriel Delessert, issu d’une dynastie de banquiers. Elle-même artiste, la jeune femme, rencontra en 1836 Prosper Mérimée (1803-1870), alors inspecteur des monuments historiques, dont elle deviendra l’égérie et la maîtresse. « Je suis amoureux fou de la perle des femmes, heureux parce que je suis aimé, très malheureux parce que je ne puis pas prouver mon amour aussi souvent que je voudrais », écrivait-il à Stendhal. Il lui dédia plusieurs de ses pièces et s’en inspira pour certains de ses personnages, comme Madame de Pienne dans Arsène Guillot. Ce récit parut pour la première fois dans le recueil titré Carmen (Michel Lévy frères, Paris, 1846), dont un exemplaire a été vendu 550 €, à Drouot, le 27 octobre 2023 par la maison Crait-Müller assisté par Bernard Portheault. 1846 était la même année où Valentine Delessert fut la première femme à être admise dans la prestigieuse Société des Bibliophiles françois. Valentine rompit avec Prosper en 1851 pour se jeter dans les bras de Maxime du Camp, puis quitta ce dernier pour Charles de Rémusat. On retrouve cette égérie sous les traits de Mme Dambreuse dans L’Éducation sentimentale de Flaubert et aussi de Viviane dans Les Forces perdues de Maxime du Camp.

On dit que son salon était le plus fréquenté de Paris. Eugène Delacroix et Chateaubriand comptèrent parmi ses hôtes, ainsi qu’Adolphe Thiers, Alfred de Musset ou la comtesse de Castiglione. Le compositeur Ernest Reyer y interpréta au piano, pour la première fois, à Paris, des œuvres de Richard Wagner.

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