La sincérité de monture est absente

Publié le 28/07/2023

« Je ne suis pas expert et je ne veux point l’être. J’aime les vieilles choses pour le plaisir qu’elles me procurent, sans chercher à m’ériger en pontife de la curiosité », assurait Paul Eudel (1837-1912) dans son ouvrage intitulé : Truc et truqueurs au sous-titre évocateur : « altérations, fraudes et contrefaçons dévoilées », dont nous avons retrouvé la dernière édition, celle de 1907. Nous reprenons sa publication, consacrée au faux en tout genre, en feuilleton de l’été.

Balazs

« Avec un fermoir d’aumônière coupé en deux, on fait une garde. Une véritable épée du XVe siècle sert à en fabriquer douze, qui, toutes, portent la même garde en fonte surmoulée. Dans de vieilles pertuisanes, on trouve ces belles lames larges et courtes, chargées de gravure, du début du XVIe siècle, d’un si heureux effet avec leur monture de bronze doré. La Hollande a la spécialité des grandes épées à deux mains, honneur qu’elle partage avec la Suisse et l’Allemagne. L’Italie excelle à travailler les sandedei ou les cinquedea, ces larges dagues que les mar­chands appellent à tort langues de bœuf. Un certain San Quirico s’était fait une réputation pour ces somptueuses armes de parement, presque aussi belles et bien moins chères que celles du marquis de Mantoue (1594), que le Louvre a récemment achetées 25 ou 30 000 francs.

Comment s’étonner, après cela, si des collections fameuses, comme celle de Des Mazis, au Musée d’artillerie, et du duc de Dino, achetée à l’amiable 1 250 000 francs par le muséum Métropolitan de New-York, contiennent quelques brebis galeuses ? Comment trouver surprenant que des sélections qui devraient être irréprochables, comme les épées d’Ed. de Beaumont, au Musée de Cluny, contiennent tant de pièces anciennes d’où la sincérité de monture est absente, et qui, sur une lame d’une façon portent une poignée d’une autre !

Apprenez donc à connaître l’anatomie de l’épée avant de vous mettre collectionneur. Formez-vous l’œil sur les bons modèles du musée d’artillerie, et quand on vous présentera une arme à acheter, commencez par examiner l’architecture. Rejetez impitoyablement tout assemblage disparate. Dans une monture authentique, tout est en harmonie. Les bou­tons qui terminent les quittons rappellent les caractères de forme et de décoration du pommeau. Le pommeau lui-même est proportionné à la lame. Plus l’épée est forte, plus il est massif, comme contrepoids. Il n’est pas rare, sous Henri IV et Louis XIII, d’en voir de la grosseur d’un citron. Les épées de théâtre ont toujours des pommeaux trop petits.

Regardez à la loupe les pièces rouillées et rongées. Les lames d’autrefois étaient noircies ou bleuies, argentées ou dorées. On doit retrouver trace de ces couvertures. Méfiez-vous des lames gravées, surchargées d’ornements et d’inscriptions. Les bonnes lames sont toujours simples, peu épaisses, surtout aux tranchants, et ne doivent jamais conserver trace de la lime ». (À suivre)

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