La table à Sèvres
Cette théière, attribuée à la Manufacture de Sceaux ou de Niderviller (vers 1760) est présentée dans l’exposition « À table, tout un art ».
RMN Manufacture de Sèvres/Stéphane Maréchalle
L’auteur des Dons de Comus concédait qu’il fallait toujours avoir dans ses réserves poivre blanc, poivre noir, clous de girofle, muscade, macis, gingembre, safran, anis, cannelle, baies de genièvre et moutarde. Certes, toutes ces épices avaient commencé à être délaissées à l’aube du XVIIe siècle au profit des herbes aromatiques, l’on n’en conservait pas moins de bonnes pincées dans les cuisines. La Manufacture de Sèvres qui avait préparé une exposition pour la fin du mois de novembre 2020, peut enfin la présenter. Justement, une boîte à épices, attribuée à la Manufacture de Niderviller et datée de 1765 attire l’attention parmi les nombreuses merveilles, sans doute plus étincelantes posées dans les vitrines.
Cette boîte en faïence stannifère à décor de petit feu polychrome, est en forme de navire. Elle dissimule sous ses deux tonneaux en guise de couvercle, placés dans sa coque deux logements destinés aux précieuses baies et noix moulues. Comme le souligne Anaïs Boucher, conservatrice du patrimoine, « cette forme renvoie naturellement à l’important commerce maritime réalisé autour des épices par les Compagnies des Indes à cette époque ». Une boîte à épices quasiment semblable à celle de Sèvres, mais augmentée d’un personnage assis sur la dunette tenant une rame dans ses mains, a été adjugée 1 800 €, à Drouot le 29 janvier dernier par la maison Pescheteau-Badin. Le musée des Beaux-Arts de Lyon, en conserve une autre, avec également un personnage, le couvercle étant composé d’un paquet ficelé et d’un seul tonneau. La figure de proue de ces trois modèles pourrait être une tête de chien de mer.
La manufacture de Meissen a popularisé de son côté cette forme inspirée par les navires pour des boîtes à épices, mais encore des huiliers-vinaigriers et des saucières à Strasbourg par la manufacture Hannong. Sèvres expose en effet de cette provenance une saucière en forme de barque. Un personnage tient le gouvernail en forme de perroquet, la figure de proue est une tête de lion la gueule grande ouverte. Pour laisser échapper le précieux liquide naturellement. Cette saucière comme les trois autres entrent dans la catégorie des pièces de forme et faisaient partie des nouveaux éléments du service de table apparu au XVIIIe siècle. Outre les nombreuses terrines « classiques » qui font songer aux soupières, nous croisons d’autres formes en trompe l’œil comme des dindons, des faisans et plus classiques des salades, des choux et des hures de sanglier. À l’image d’une faïence de Bach-Luxembourg (fin XVIIIe siècle) adjugée 2 061 €, à Drouot, le 9 octobre 2020 par la maison Thierry de Maigret. La plus belle, la plus étrange à notre sens, est une théière en forme de dragon ailé (Sceaux, vers 1760). Ses naseaux ne crachent pas du feu, mais un thé foncé aux effluves fumés.
Référence : AJU000m8