La Vénus de Marcellus

Publié le 14/02/2024

Cette réplique en plâtre de la Vénus de Milo, offerte par Louis XVIII à Lodoïs de Marcellus, a été préemptée par le Louvre à 57 728 €

Artcurial

Le premier magistrat de la commune de Marcellus dans le Lot-et-Garonne prenait, raconte-t-il, plaisir à voir dans son bureau la photo de la Vénus de Milo, qui ornait sur un socle portant l’inscription Venus Victrix les salons du château éponyme. Cette statue est certes une réplique, mais, même en plâtre, ce n’est pas n’importe laquelle, puisqu’elle appartenait au vicomte Lodoïs de Marcellus, offerte par roi Louis XVIII en souvenir de sa négociation qu’il avait mené pour transporter en France ce chef-d’œuvre de la Grèce antique. Las, le château a été vendu et les espoirs du maire du village d’y faire revenir ce trésor patrimonial se sont envolés. La Vénus Marcellus a été adjugée 57 728 € par la maison Artcurial, le 24 janvier 2024, et aussitôt préemptée par le Musée du Louvre. Comme l’a souligné Maxence Miglioretti, commissaire-priseur de la vente, « l’œuvre va retrouver les rangs du célèbre musée qui l’a vue naître ».

L’histoire de la Vénus de Milo est liée à trois personnages, qui auront un destin particulier. La statue fut découverte le 8 avril 1820, dans le champ d’un paysan grec, nommé Yorgos. Un certain Olivier Voutier, aspirant de première classe de Marine, qui servait à bord de l’Estafette, fut le premier à contempler la fameuse merveille dans ce champ et d’en réaliser un croquis. Quelques jours plus tard, le 16 avril, un autre bâtiment de la Marine royale, la gabarre la Chevrette aborda l’île. Elle avait à son bord l’enseigne de vaisseau Dumont d’Urville. Hasard ou volonté, la Chevrette fut la première à rallier Constantinople le 25 avril, ce qui permit à Dumont d’Urville de faire part au marquis de Rivière, ambassadeur de France, de la découverte. Puis l’Estafette rallia la capitale de la Sublime porte, une semaine plus tard, et c’est au vu du dessin de Voutier que le diplomate prit la décision à titre exceptionnel d’acquérir la Vénus de Milo, puis de l’offrir à Louis XVIII.

Lodoïs de Marcellus était alors secrétaire d’ambassade à Constantinople. Il fit en sorte que la Vénus de Milo ne soit pas transbordée sur un navire turc, et puisse parvenir en France. Il rapporte sa rencontre et ce qui s’ensuivit avec celle à qui il attribue une « beauté surhumaine, une majesté douce, une taille vraiment divine », la Vénus de l’île de Milo, à la fin du premier volume des Épisodes en Orient (Chants du peuple en Grèce. Politique de la Restauration en 1822 et 1823, Paris, Jacques Lecoffre et Cie, 1851-1853, 3 ouvrages en 5 vol). Un exemplaire interfolié, avec quelques ajouts ou corrections autographes de l’auteur, provenant de la bibliothèque Marcellus, relié en demi-veau cerise, dos lisse orné de filets dorés, a été adjugé 1 274 €, également le 24 janvier, par Artcurial. « Dans mon extase, aveugle à tout ce qu’elle fait tant oublier autour d’elle, je ne puis détacher mes regards de sa noble figure, y écrit Marcellus. Je croise fièrement les bras sur ma poitrine, je relève ma tête courbée déjà sous bien des douleurs. Je prends moi-même, une attitude pensive et réfléchie, comme pour me rendre plus digne de ma déesse, et je reste immobile et silencieux. »

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