L’Âge de la vie de Camille Claudel
Camille Claudel, L’Âge mûr, 1899, bronze, fonte Frédéric Carvilhani, après 1913, Musée Rodin, Paris, France
Thibsweb, Public domain, via Wikimedia Commons
Le mythe de la pièce cachée dans les maisons anciennes, n’est pas seulement littéraire. Il n’y a pas si longtemps, à Paris, non loin du quartier de Pigalle, on a découvert un appartement laissé à l’abandon depuis 1942. Le temps semblait avoir été suspendu ; on y découvrit des trésors, notamment un portrait de l’ancienne propriétaire, la comédienne, Marthe de Florian (1864-1939), par Giovanni Boldoni (1842-1931). Ce tableau fut vendu 1,8 M €. Plus récemment, on ouvrit les portes d’un autre appartement, au pied de la Tour Eiffel, fermé depuis quinze ans. Là, sous un drap, jaillit, si l’on peut dire, l’un des chefs d’œuvre de Camille Claudel, L’Âge Mûr (Bronze à patine brune richement nuancée, 61,5 x 85 cm x 37,5 cm, fonte au sable d’Eugène Blot datant de 1907). On en avait perdu la trace depuis ses premières présentations dans la galerie d’Eugène Blot en 1907 et 1908. Cette sculpture sera proposée aux enchères, le 16 février 2024, à Orléans, par la maison de vente Philocale, avec Matthieu Semont, assisté par le cabinet d’expert Lacroix-Jeannest, avec une estimation de 1,5/2 M €.
Cette œuvre créée entre 1892 et 1898 est aussi intitulée : La Jeunesse et L’Âge mûr, La Destinée, Le Chemin de la vie, et encore La Fatalité. Elle est, selon l’expert, considérée comme « la plus mythique et mystifiée. » Elle a été conçue au moment de la rupture de Camille Claudel avec Rodin entre 1892 et 1898 ; elle marque, toujours selon l’expert, « un tournant dans sa carrière, le zénith de son art. Elle évoque la destinée humaine, les trois âges de la vie : la jeunesse, l’âge mûr et la vieillesse, réunis en une même composition dans une tension émotionnelle à son acmé. » Seuls trois autres bronzes de cet Âge mûr sont actuellement identifiés et conservées dans les collections du musée d’Orsay, du musée Rodin et du musée Camille Claudel à Nogent-sur-Seine. L’État avait passé commande à Camille Claudel de cette œuvre en bronze ou en marbre. L’autorité publique ne l’honora pas. Un collectionneur privé, le capitaine Tissier, releva le défi et fit fondre la sculpture en 1902 : c’est cet exemplaire qui est conservé au musée d’Orsay. Un deuxième bronze fut ensuite fondu en 1913. Cette épreuve ne fut pas réalisée sous le contrôle de l’artiste, déjà internée. Elle fut offerte en 1952 par l’écrivain Paul Claudel au musée Rodin. Auparavant, Eugène Blot, galeriste et fidèle soutien de la sculptrice, réalisa en 1907, une réduction en bronze de ce groupe qui devait se limiter à six exemplaires numérotés. C’est le n°1 de cette édition qui apparaît aujourd’hui sur le marché alors que l’on avait perdu sa trace depuis 1907. Seul le n°3 est actuellement localisé, acquis par le musée Camille Claudel de Nogent-sur-Seine en 2010. Aucun autre exemplaire de l’Âge mûr ne fut ensuite fondu.
Référence : AJU016r5
