Laissez-nous notre couteau !

Publié le 22/11/2021

Laissez-nous notre couteau !

Ce couteau à huîtres plutôt rare, daté de la seconde partie du XVIIIe siècle, a été adjugé 1 270 €.

Drouot

Dans une salle de bonne taille, trois ou quatre hommes sont attablés. C’est l’heure de la collation ; levés depuis cinq heures du matin, les ouvriers agricoles se restaurent enfin et puisent sans vergogne dans le pot rempli de rillettes. Le dernier arrivé sort de sa poche un canif à la lame impressionnante, se saisit de la miche de pain qu’il coince dans son coude et d’un geste large et précis, en coupe une tranche avant de la couvrir d’un morceau de pâté. Dans son roman, La Billebaude (1978), Henri Vincenot (1912-1985) notait avec son bon accent bourguignon : « Le couteau de poche, le plus sûr artisan de la culture populaire ». Le geste de trancher le pain devrait être inscrit au patrimoine. Quel était, il n’y a pas si longtemps, l’homme qui ne conservait pas dans sa poche, son canif ? Du paysan au marin, en passant par le chasseur, et peut-être même le notaire, tous possédaient un couteau. Seuls les voyageurs aériens qui, pourtant, en auraient bien besoin au cours de leurs pérégrinations, n’ont plus l’autorisation d’en emporter. Comme toute bonne chose, les objets ont leur face positive et négative.

La maison Auction Art Rémy Le Fur a dispersé à l’hôtel Drouot, le 6 novembre dernier, 266 couteaux . De quoi satisfaire les cultelluphilistes. Le choix de ces collectionneurs a certainement été dicté par leur intérêt personnel. L’amateur d’huîtres a saisi pour 1 270 €, un couteau composé d’une lame or à bout rond et d’une fourchette cachée en pied dans le manche. La lame est poinçonnée « Lasseret à Caen » au cœur couronné. Les côtes sont en nacre, et on note un petit accident. Ce couteau à huîtres plutôt rare est daté de la seconde partie du XVIIIe siècle. Et on devait l’utiliser à Saint-Vaast, le plus ancien bassin ostréicole de Normandie. Si l’on ne parvient à délaisser les coquillages, il n’en est plus de même du tabac. Les fumeurs de pipe, notamment, s’encombraient et s’encombrent encore d’un attirail de tirailleur. Un couteau de fumeur en fer forgé, gravé et ciselé d’arabesques, la lame fermant de type stylet à taillant affilé, daté du début du XVIIIe siècle, a été adjugé 3 205 €. La pince à braise est à tête d’animal denté et est rappelée par un ressort linguet. Le cure-pipe à balustres, monté sur un axe libre, agit sur le ressort de la pince. Lorsque le stylographe n’existait pas, on trempait des plumes dans de l’encre. Mais pour cet usage, il convenait de tailler ces plumes, au moyen d’un… taille plume. L’un d’eux, daté de la fin du XVIIIe siècle, en forme de coquille, les côtes en ivoire montées sur rosettes argent, a été vendu 355 €.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le couteau n’est pas un objet égoïste. Les couteaux d’amis permettent de partager ses lames, fourchettes et accessoires. L’un d’eux a trouvé preneur à 825 €. N’oublions pas les canifs aux nombreux usages. En voici un muni de 16 pièces : grande lame, ciseaux, scie, lime à ongles, tire-bouchon à fioles de parfum, peigne à moustache, aiguille, alêne à chas, clé à empreinte… Ceci pour 444 €.

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