L’art inventif de Charlotte de Maupeou

Publié le 08/08/2019

Propriété Caillebotte

Voilà une artiste singulière qui, dans une alchimie personnelle, évoque la vie, l’humain, les paysages et n’hésite pas, à ses heures, à réinterpréter des œuvres des maîtres du passé tout en les respectant.

Diplômée de l’École nationale supérieure des Beaux-Arts, membre de la Casa Vélasquez, Charlotte de Maupéou a choisi de vivre à la campagne, dans la Sarthe, où elle a installé son atelier dans une ancienne grange. C’est là qu’elle laisse libre cours à ses rêves, à sa fantaisie créatrice, sans oublier la réalité.

Si elle s’exprime par la peinture, elle y ajoute souvent papier, carton ou tissu qu’elle colle, assemble animant ainsi l’espace dans des compositions libres et authentiques.

Cette artiste semble aussi à l’aise lorsqu’elle brosse des paysages, les champs dont elle traduit la beauté tranquille, la sérénité en des couleurs automnales harmonieuses ou bien lorsqu’elle observe des nuages bas, blancs, floconneux qui semblent toucher la terre.

Dans ses compositions réalisées à la tempera sur bois, elle témoigne de son sentiment de la nature, de son osmose avec elle. Elle traduit la particularité de chaque lieu choisi, aimé.

Elle réalise également portraits et autoportraits, de grand format le plus souvent, qui apparaissent dénués de toute complaisance, dans lesquels elle se livre sans concession. Ils sont exécutés en un style proche de l’expressionnisme par les traits accusés, un peu déformés parfois, où l’on perçoit la personnalité du modèle.

À côté de cette figuration évocatrice du caractère humain ou des pulsations, des vibrations de la terre, de sa vitalité, Charlotte de Maupéou rend hommage aux grands peintres espagnols, hollandais, français qu’elle admire. Ce sont ainsi quelques chefs-d’œuvre qu’elle se réapproprie, réinvente en une transgression réussie.

Elle décline en plusieurs versions les Infantes de Vélasquez, très présentes, comme elle évoque La Brodeuse de Johannes Vermeer, ou une jeune femme d’après Frans Hals. Intéressantes et audacieuses, ces recréations ! L’on s’arrête en particulier devant l’Olympia de Manet revisitée, lumineuse ; des papiers collés, colorés animent la robe et le visage de la jeune femme qui apparaît d’une rare transparence.

La peintre aime travailler par série, ce qui lui permet d’approfondir son analyse. Elle s’exprime volontiers en larges touches visibles, colorées et appose sur les joues des modèles des tracés rouges plus ou moins vifs qui créent le relief.

La matière dense est presque triturée parfois.

Forte, la palette donne vie aux personnages, aux fleurs qu’elle aime aussi fixer sur la toile avec une poésie certaine.

Dans cette peinture plutôt hors normes, entre l’expression et, en ce qui concerne les portraits, une proximité avec la caricature, Charlotte de Maupéou force le trait avec intelligence et parfois une désinvolture assumée.

Humour et gaîté animent cette création qui ne se soucie pas des modes.

Une sorte d’impertinence parfois est perceptible. Une œuvre à découvrir.

LPA 08 Août. 2019, n° 147f4, p.24

Référence : LPA 08 Août. 2019, n° 147f4, p.24

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