L’art vénitien à l’encan

Publié le 17/04/2023

Cette paire de lanternes d’applique à trois bras de lumière en verre soufflé, pincé et pailleté d’or (200 x 130 cm), est estimée 30 000 à 50 000 €

Artcurial

« La fenêtre de ma chambre s’ouvrait sur la Dogona », pourrions-nous écrire en s’inspirant de Chateaubriand dont la chambre, elle, s’ouvrait sur « la cour intérieure ». À Venise, le décor intérieur compte autant que celui de l’extérieur. L’hôtel Bauer Palazzo, dont la façade donne sur le Grand Canal, répond à ce constat. Mieux encore, il permet de voir face à lui la Salute et de l’autre côté, par-delà le Canal de la Giudecca, le clocher de San Giorgio Maggiore. Du 24 avril au 4 mai 2023, la maison Artcurial mettra en vente le mobilier de cet hôtel qui était devenu une sorte de conservatoire de l’art vénitien : 100 000 objets en 40 000 lots. Il ne restera rien de ce qui a fait le charme de cet établissement ouvert en 1880 sur le Campo San Moisè, né de l’union du jeune entrepreneur autrichien, Julius Grünwald, et de la fille d’un notable vénitien, M. Bauer. L’hôtel, racheté en 1930, fut transformé en 1949. Il fut doté d’une façade moderniste conçue par Marino Meo. Pour la première fois dans la cité des Doges, un hôtel se vit équipé d’un système de chauffage central et d’air conditionné. On le rehaussa d’un étage qui offrait une terrasse à la vue imprenable qui, aujourd’hui encore, demeure la plus haute de Venise. Nous pouvons gager qu’elle ne sera pas détruite. Une nouvelle restauration en 1990 conserva heureusement l’atmosphère intemporelle et mythique du lieu.

C’en est fini, on vend tout et on casse tout afin d’américaniser (sic) l’ensemble, sous un nouveau nom : le Rosewood Hotel Bauer. Un nouveau nom qui laisse tomber Grünwald au profit du nouveau propriétaire Rosewood. Cette énorme dispersion va permettre à nombre d’amateurs de s’offrir un morceau de la décoration vénitienne. Et si comme le dit Servane Giol dans Venise : Invitation privée : « Cette vente est un vibrant hommage au goût et au savoir-faire vénitien ! » ; pourquoi l’avoir dispersée à l’encan ?

Miroirs, appliques en forme de coquille Saint-Jacques, assises tout en courbe en bois naturel ou peintes, tissus de la maison Bevilacqua, trumo (meubles à deux corps), verreries, vaisselles, etc. Sans oublier des tableaux et autres objets de décoration. Il en est un qui nous attire : une paire de lanternes historiques. « Inspirées de la grande lanterne en bois et cuivre qui ornait l’arrière de la galère d’Andrea Pisani au XVIIe siècle, elles illustrent toute la virtuosité des maîtres verriers vénitiens », explique encore Servane Giol. Cette paire de lanternes d’applique à trois bras de lumière en verre soufflé, pincé et pailleté d’or (200 x 130 cm), qui accueillait les visiteurs du monde entier dans le grand hall de réception est estimée 30 000 à 50 000 €. Les mânes du Capitano del mar d’Andrea Pisani (1622-1714) n’en reviennent pas, d’autant qu’il considérait cet objet uniquement utilitaire.

Plan
X