L’avare

Publié le 13/03/2018

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Interrompue lors de sa création en 1668, après neuf représentations, le public boudant son écriture en prose, l’Avare fut ensuite l’une des pièces les plus jouées de Molière. C’est d’abord une farce mais c’est aussi tellement plus, ce que les mises en scène contemporaines s’efforcent de mettre en valeur.

La mise en scène de Frédérique Lazarini est, à cet égard, une réussite, originale mais sans excès transgressifs, légère mais emportée par la pesanteur des sentiments, comique mais avec gravité. Le spectateur n’est pas privé du rire bon enfant que suscitent les obsessions d’Harpagon pour sa cassette. Le bonhomme est grotesque, guignolesque parfois. Mais il y a le « tellement plus », cet entrecroisement de sujets et d’objets, mis à la sauce des passions ordinaires, l’humain trop humain.

L’avare, jouée à l’Artistic théâtre.

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Frédérique Lazarini prend le parti d’abandonner le huis-clos traditionnel d’un intérieur bourgeois pour nous transporter dans le jardin d’Harpagon, un enclos ouvert à tous, laissé à l’abandon : arbres morts, meubles de jardin usés, feuilles mortes jonchant le sol à l’image du maître de ces lieux à l’automne déjà hivernal de sa vie. Quant à la fameuse cassette, sa cachette n’a de secret ni pour le spectateur, ni pour les gens de la maison qui ont vite repéré la trappe maladroitement recouverte de feuilles.

Dans ce jardin crépusculaire et pétrifié, le mouvement des uns et des autres est alerte, précipité, les passions s’expriment avec force et le caractère plutôt ordinaire des personnages de son entourage fait d’autant plus ressortir la riche subitilité d’Harpagon. Élise et Cléante, ses deux enfants, ne sont devenus des insoumis que parce que leur père s’oppose à leur mariage bourgeois, elle avec Valère, l’intendant, lui avec Mariane, que le vieil homme voudrait garder pour lui et cette passion bien ordinaire les a libéré de toute obéissance : il était temps ! Pas une miette de respect ou de tendresse pour leur géniteur, ils sont prêts à toutes les compromissions, avec Valère l’hypocrite et Frosine l’entremetteuse, pour parvenir à leur but. Le vol de la cassette et ses retrouvailles remettront les choses en ordre et laisseront Harpagon, enfin libéré des ennuis domestiques, porter tous ses soins à la seule maîtresse qui le captive.

Et l’on s’en prend à éprouver une certaine tendresse pour cet obsédé, livré à la solitude affective, entouré d’hypocrites et dissimulateurs, à l’exception de maître Jacques, et en souffrance comme tous les tyrans domestiques.

L’ensemble est élégant, subtil, inventif, mené tambour battant par une troupe d’excellents comédiens. Quant à l’Harpagon d’Emmanuel Dechartre, qui dit avoir été impressionné par les interprétations de Jacques Mauclair et de Georges Chamarat lorsqu’il était à la Comédie française, il est magistral de naturel et simplicité. Inspiré, aspiré par son rôle, ici rusé, égoïste, odieux, là naïf et sincère, ce comédien capable d’endosser les rôles les plus différents réussit ici encore une performance remarquable.

LPA 13 Mar. 2018, n° 134t1, p.15

Référence : LPA 13 Mar. 2018, n° 134t1, p.15

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