Le baroque des Lumières au Petit Palais
Le Magnificat de Jean Jouvenet.
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Courants et cycles, retables et décors peints. L’exposition du Petit Palais montre comment la peinture et la mise en scène des églises ont subi l’influence du discours religieux, des idées politiques et des courants qui traversent le XVIIIe siècle. Ainsi du jansénisme et du décor de la nef de l’église de Saint-Germain-des-Prés ou de la contre-réforme qui « incite le fidèle à ressentir et s’émouvoir » et va s’incarner dans l’agencement de Notre-Dame de Paris ou de l’église Saint-Sauveur. On voit se décorer les coupoles et les retables s’enthousiasmer. Matière aussi pour l’exposition à expliquer le régime des commandes religieuses et des contrats entre les artistes et les donneurs d’ordre. Au-delà de l’aspect didactique, c’est cependant et d’abord à une fête des couleurs que le visiteur est convié.
La lumière d’abord. Le siècle dit « lumineux » fut en effet celui de la lumière dans la peinture comme en attestent un grand nombre de toiles exposées. Dès l’entrée c’est le Magnificat de Jean Jouvenet, seul tableau du cycle marial conservé à Notre-Dame, qui accueille le visiteur happé par le gigantisme de la toile, le velouté des teintes éclatantes, les drapés somptueux. La suite sera du même éclat, comme le Saint-Étienne parmi les docteurs de Charles-Joseph Natoire ou Le baptême du Christ selon Jean Restout. La résurrection du Christ de Pierre Peyron offre un magnifique exemple du jeu des couleurs vives sur fond sombre.
Découvrir des peintres méconnus. C’est l’un des atouts de la visite. On parle peu de tous ces peintres déjà cités qui méritaient bien cette mise en scène et le choix des commissaires. Par exemple encore, Nicolas de Largillière, peintre aux couleurs étonnantes entre gris et blanc et bleus (La Nativité), celui-là même qui peint des anges comme personne (L’Adoration des anges), sauf peut-être Jean-Baptiste Oudry qui, dans son Adoration des Mages, en peint qui ne sont pas mal dans le genre étonnant.
De l’esquisse à l’œuvre. De nombreuses esquisses présentées témoignent du chemin du projet à l’œuvre finie. Les esquisses en disent long sur le choix par l’artiste de son tableau final : évolution du cadrage, de la technique utilisée, des teintes, des gestes, de la position de tel ou tel personnage. La plupart du temps on a le plaisir de pouvoir confronter l’esquisse et l’œuvre finale, s’adonner au jeu des comparaisons pendant des heures et traquer la signification de ce qui a été perdu ou ajouté. Le visiteur prend son pied ! Mais l’esquisse n’est pas que trace, elle est elle-même une œuvre. On aime ces peintures de l’entre-deux, leur énigme intérieure, leur suspension dans le temps et la palette de leurs couleurs que la technique n’a pas encore figées. On peut même se prendre à préférer l’esquisse au tableau fini, telle celle du Christ et ses enfants de Noël Hallé, ou Les bonnes œuvres des filles de Saint-Thomas-de-Villeneuve par Michel-François Dandré-Bardon ou encore La translation du corps de Saint Grégoire de Michel II Corneille.
Parcours initiatique. Originalité de l’exposition décidemment parfaite, elle a prévu, pour aller plus loin, deux choses. D’abord, un catalogue de haute volée. Ensuite, la mise en place d’un parcours qui conduit à aller visiter six églises dans Paris. En écho au Petit Palais qui, une fois de plus, démontre qu’il n’a rien à envier aux expositions du Grand Palais.