Le bleu lumineux de Zao Wou-Ki

Publié le 07/06/2024

Cette composition 5/8/97 (65 x 81 cm)  proposée pour la première fois aux enchères, est estimée 500/700 000 €

Osenat

Dans un entretien avec le critique Michel Ragon (1924-2020), réalisé en 1994, Zao Wou-ki (1920-2013) expliquait qu’il peignait peu : « À peu près huit à neuf tableaux par an. » Pour cet artiste chinois naturalisé français en 1964, la pratique de la peinture était une affaire de réflexion intérieure, dit l’expert Thomas Morin-Williams, qui présente la composition « 5/8/97 ». Cette toile (65 x 81 cm) sera proposée pour la première fois aux enchères, à Versailles, le 7 juillet 2024 par la maison Osenat, Peggy Balley étant au marteau, avec une estimation de 500/700 000 €.

Dans le paysage artistique, Zao Wou-Ki a apporté un souffle de fraîcheur et de grâce inégalée. La lumière qui émane de ses toiles invite à s’envoler vers des cieux inconnus, des terres non moins ignorées. Ces terres, nous pourrions les appeler la Zawoukie. « Toutes les toiles de Zao Wou-Ki sont des paysages. Non par choix, mais par évidence : « il n’y a jamais de séparation entre les hommes et la nature », constate Dominique de Villepin, dans la monographie qui lui a été consacrée, publiée en 2012 par les éditions Flammarion. Qui le croirait, les premières œuvres de Zao, composées lorsqu’il débarqua à Paris en 1949, sont figuratives ! Lui qui avait grandi avec la calligraphie et les codes figés de la peinture chinoise traditionnelle, vit son inspiration libérée en contemplant des œuvres de Chagall, Modigliani ou Matisse. Ses amis, à l’époque, étaient Jean Paul Riopelle, Nicolas de Staël, Sam Francis, Pierre Soulages, Maria Helena Vieira da Silva, Hans Hartung. Mais celui qui aura la plus grande influence sur le développement de ses créations sera Paul Klee, découvert en 1951, au cours d’une exposition à Genève.  « Klee va être un médiateur, un recours merveilleux contre deux périls qui menacent alors le jeune artiste : rester un peintre enraciné à l’excès dans l’admirable passé de son peuple, ou se trouver agressivement détaché de celui-ci, européanisé, et peut-être par là même, dénaturé », devait dire son ami Claude Roy. C’est ainsi que Klee l’amena progressivement à l’abstraction à partir de 1953 : « Natures mortes et fleurs n’existent plus. Je tends vers une écriture imaginaire, indéchiffrable », devait-il dire.

En 1997, lorsque cette toile, simplement désignée par la date 5/8/97, fut exposée dans la galerie Thessa Herold, Zao Wou-Ki est reconnu comme l’un des grands acteurs de l’art de la fin du XXe siècle. Il avait bénéficié, en 1981, d’une rétrospective au Grand Palais. Au cours de ces années 1990, il entama « une subtile réintégration des références au monde visible – ciel, mer, montagnes – dans une démarche qui semble à la fois rendre hommage à l’impressionnisme, à la musique de son ami Edgard Varèse (1883-1965), et aux paysages traditionnels chinois », explique Thomas Morin-Williams. Il dit encore : « 5/8/97 est une véritable symphonie de couleurs autour de la déclinaison du mariage du bleu et du blanc, le mariage de la mélancolie et de la pureté. »

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