Le bouquet d’Arletty en relief

Publié le 29/10/2021

Seul dans la nuit, réalisé en 1944/1945, par Christian Stengel, avec Bernard Blier et Jacques Pills, photo par Henri Caruel.

Fondation Jérôme Seydoux-Pathé

Dans les vitrines extérieures à l’entrée des salles de cinéma, des photographies des films programmés étaient épinglées. Ces clichés avaient pour but d’attirer l’œil des éventuels spectateurs qui ne disposaient, à l’époque, pour information que des magazines. Ces documents sont précieux pour l’histoire du cinéma. Souvent méconnus, ces photographes de plateau ont joué un rôle important dans cette histoire. La dispersion en octobre 2019 à Drouot par Auction Art, Rémy Le Fur & associés, assistés par Claude Oterelo, de la collection de Philippe Legendre, consacrée au cinéma muet de 1900 à 1929, a permis de retrouver les noms de nombreux réalisateurs qui s’étaient peu à peu effacés de nos mémoires. Ces clichés étaient réalisés par des photographes-opérateurs qui, à l’époque, assuraient par nature les deux compétences, puis le terme de photographe de plateau s’est imposé. Certains d’entre eux se sont imposés, comme Lucienne Chevert, Roger Forster, Sam Levin, Raymond Voinquel, Raymond Cauchetier, Rémy Duval, etc.

Il en est un qui a récemment été découvert : Henri Caruel (1899- 1978). Celui-ci, peu connu du grand public fut engagé entre 1942 et 1953 par Pathé sur les tournages d’une trentaine de films, que l’on considère comme des chefs-d’œuvre : Les Enfants du Paradis et Les Portes de la nuit de Marcel Carné, Falbalas de Jacques Becker, Premier de cordée de Louis Daquin et bien d’autres… Ce photographe avait une particularité, il utilisait un appareil de stéréoscopie Monobloc à double objectif. Grâce à une visionneuse, également à double objectif, les scènes apparaissent en relief avec un spectaculaire rendu. Nous pouvons imaginer être présents dans la photographie elle-même. Les descendants d’Henri Caruel ont retrouvé 4 000 plaques de verre que la fondation Jérôme Seydoux-Pathé a acquis en 2019. Après inventaire et restauration, la fondation expose pour la première fois une sélection de ces stéréoscopies dans des visionneuses et sur écran au moyen de lunettes spéciales. Le visiteur en demanderait plus, tellement il pénètre dans ces images en 3D, prêt à toucher les acteurs et les décors. Il peut tenter d’attraper le bouquet d’Arletty, caresser le manteau de fourrure de Nathalie Nattier enlacée par Yves Montand, voire frissonner depuis les pics saisis dans le massif du Mont-Blanc sur le tournage de Premier de Cordée durant l’été 1943.

On ignore malgré tout qu’elle était la destination de ces clichés stéréoscopiques. Sans doute devaient-ils être présentés dans des visionneuses placées dans les halls des salles de cinéma. Ce n’est qu’une hypothèse. Cet exemple unique de la photographie de plateau peut se poursuivre grâce un coffret contenant cent fiches à contempler avec une visionneuse (déjà montée) qui ressemble à celle inventée en 1838 par le physicien britannique Charles Wheatstone (1802-1875).

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