Le canton de Vaud en deux châteaux emblématiques : Coppet et Prangins

Publié le 01/06/2017

Coppet pour le bicentenaire de Mme de Staël

Vue sur le château de Coppet.

Didier Jordan

Dans le canton de Vaud, le château de Coppet célèbre l’une des femmes les plus illustres du lac Léman, Germaine de Staël, pour le bicentenaire de sa mort en juillet 2017. Visite d’une demeure particulièrement intéressante car encore privée et vivante.

« Si j’avais comme vous un bon château au bord du lac, je n’en sortirais jamais » ; tels sont les mots écrits par Chateaubriand à Mme de Staël en 1805, suite à une visite à la jeune femme alors exilée en sa demeure.

Un bijou architectural du XVIIIe siècle encore « dans son jus » et familial

En effet, le petit château est de taille humaine, bien que flanqué de deux bâtiments, un ancien pressoir et des écuries. Il est idéalement situé sur un petit promontoire et domine le bourg aux maisons joliment couvertes de tuiles rondes sur leurs toits. La vue de la terrasse extérieure et de la plupart des pièces nobles du château s’ouvre sur les eaux bleutées du Léman et en arrière-plan, sur les monts enneigés des Alpes. Par temps clair, voir le Mont Blanc est même possible. Donc, une situation de rêve entre mer et montagne qui se double d’un beau parc aux arbres plus que centenaires.

Pourquoi un tel bijou du XVIIIe siècle dans ce coin perdu à 30 mn environ de Lausanne ? Les initiales sur les grilles du château vous éclaireront : N. C. « N » pour Jacques Necker, banquier, gérant de la Compagnie des Indes Orientales, ministre de Louis XVI et « C » pour Suzanne Curchod, sa femme, qui lui donnera une fille, Germaine, la future baronne de Staël-Holstein. Construite entre 1715 et 1726, la propriété échut au comte d’Haussonville, arrière-petit-fils de Mme de Staël. Depuis sa mort en 1924, Coppet appartient aux descendants d’Haussonville qui y viennent encore aux beaux jours, le château n’étant pas chauffé.

Des idées libérales pas au goût de tous !

Nous sommes en pleine période du Siècle des Lumières ! Née et élevée dans une famille aux idées libérales, la jeune Germaine dépasse amplement la liberté d’esprit de ses parents. Ses amis, connaissances littéraires, voire même son amant, se nomment Voltaire, Rousseau, Goethe, Constant, Buffon, Talleyrand, Byron, Juliette Récamier. Elle créa ainsi un salon littéraire qui fut un réel phare de la vie intellectuelle en Europe, un lieu si brillant qu’il a été affirmé : « il se dépensait plus d’esprit en un jour à Coppet que dans le reste du monde en un an ». Et Stendhal de confirmer que se réunissaient à Coppet « les États Généraux de l’opinion européenne ».

Des idées romantiques certes, mais politiques et libertaires aussi, qui n’étaient pas du goût de Napoléon : « Sa demeure de Coppet était devenue un véritable arsenal contre moi. Elle s’occupait à me susciter des ennemis, et me combattait elle-même », dira l’empereur.

Nombreuses sont les citations montrant l’incompatibilité d’humeur entre Madame de Staël et Napoléon ; alors qu’au départ, celle-ci, le percevant comme un grand homme semblable à son père, avait placé en l’empereur beaucoup d’espoir.

Portrait de Mme de Staël.

Château de Versailles

Quelques très belles pièces de collection

Dans la salle à manger d’été, surtout en vermeil ; dans le vestibule, une statue de pied de Necker en marbre blanc ; dans la bibliothèque, un coffre intéressant du point de vue historique car il contenait les chiffres liés aux dépenses et pensions de la Cour et un portrait par Vigée-Lebrun de Mme de Staël ; dans la chambre de l’amie et confidente, Mme Récamier, le superbe papier peint chinois aux oiseaux ; dans le salon, les tapisseries d’Aubusson représentant des scènes pastorales ; dans un vestibule, la suite de chevaux de Carle Vernet…

Et si on parfumait les lieux !

Afin de rendre plus vivant encore le château, l’idée 2017 est de parfumer les pièces par des senteurs d’intérieur proches de la destination de la pièce. Une approche intéressante qui donne lieu à une senteur « bois ciré » dans la bibliothèque, une odeur florale chyprée dans la chambre de Mme de Staël. En revanche, l’odeur chocolat-coco-caramel du grand salon est tout à fait inappropriée et un peu écœurante.

Transformé en fondation d’intérêt public, ce château, propriété vivante de la 9e génération des descendants de Mme de Staël, va célébrer tout l’été, et même jusqu’à la Toussaint, le bicentenaire de la mort de sa châtelaine, le 14 juillet 1817. Un TGV Lyria spécialement affrété le 13 juillet, des pièces de théâtre, des concerts, des conférences, des débats vont rendre hommage à la femme rebelle que fut en son époque Germaine de Staël, au brillant esprit libertaire qu’elle se plaisait à répandre dans toute l’Europe.

Prangins ou la vie de château au XVIIIe siècle

Vue sur le parc et le château.

Peter Colberg

Au centre du Léman, à 30 mn de Lausanne et tout proche de Nyon ; Prangins possède une superbe terrasse qui domine les eaux calmes du lac et les cimes enneigées des Alpes.

Le petit Versailles de la Suisse

Outre cette situation de rêve, Prangins est multi-lieux : le siège romand du musée national suisse, une demeure construite entre 1729 et 1740, un certain art de vivre à la française à l’époque du siècle des Encyclopédistes, un potager-conservatoire des espèces végétales d’antan.

De Voltaire à Joseph Bonaparte, la demeure de seigneurie à propriété princière, école et habitation est devenue aujourd’hui un musée. Depuis 1998, Prangins est le plus grand château témoin du XVIIIe siècle en Suisse.

Boiseries, tableaux et portraits de famille, porcelaines de Chine, textiles luxueux pour les tentures murales et les rideaux, candélabres et lustres de cristal, livres et commodes de style Boulle : toutes les pièces, tous les objets ont été restaurés, aménagés pour transporter le visiteur sous l’Ancien Régime, dans le quotidien d’une famille aristocratique du pays de Vaud.

Salle à manger de Prangins.

Château de Prangins

Un potager de variétés locales

L’autre point névralgique de la propriété est le fort beau potager. Sur un demi-hectare, pas moins de 4 carrés de plantes médicinales et magiques, domestiques et utilitaires, aromatiques et condimentaires, d’odeurs et de parfums. Absinthe, ancolie, bourrache, chervis, gentiane jaune, chicorée scarole, guimauve officinale, marjolaine, mélisse, prunier de Damas, serpolet, trigonelle : les 200 variétés doivent être régionales et du XVIIIe siècle.

Tant pour le végétal que pour les possessions mobilières, le château de Prangins a une grande vocation pédagogique : la vie d’une famille noble suisse sur le modèle français du Siècle des Lumières, l’intérêt de cette famille pour les sciences et leur conscience à un bien-être général par une alimentation saine pour toute la population travaillant au château.

LPA 01 Juin. 2017, n° 127d5, p.14

Référence : LPA 01 Juin. 2017, n° 127d5, p.14

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