Le drapeau noir flotte chez le plasticien

Publié le 17/05/2023

Cette œuvre (84 × 120 cm), composée en 1968 par Marcel Broodthaers, est estimée 40/60 000 €

Artcurial/Forgeot

Le drapeau noir, adopté par les pirates et les anarchistes de toute bannière, a pu être aperçu le 1er mai dernier, lors des manifestations organisées par les syndicats. Quoiqu’on dise, il fait frémir, comme un annonciateur de mauvaises nouvelles. Selon Gilles Garrec et Emmanuel Cerisier, auteurs de Pirates, corsaires et flibustiers (2007), si le drapeau noir est le signe distinctif général des pirates, il est également celui de toutes les révoltes. Certains artistes s’en sont également emparés, comme notamment Marcel Broodthaers (1924-1976), un artiste plasticien belge.

Il a réalisé, en 1968, une plaque en plastique emboutie et peinte en acrylique noire et rouge (84 × 120 cm), placée dans un cadre en bois noir, figurant un drapeau noir interrompu d’une ligne blanche et d’un point d’exclamation rouge, surdimensionné et assorti de la mention « tirage illimité ». Cette plaque comporte en outre les noms de sept villes – Amsterdam, Berlin, Nanterre, Venise, Paris, Milan et Bruxelles – qui ont toutes été le théâtre de soulèvements lors des mouvements contestataires de 1968. Un exemplaire de la première version, sur les trois plaques réalisées en juin 1968, et dont l’estimaion s’élève à 40/60 000 €, sera mis en vente le 22 juin prochain à l’Hôtel Dassault, par la maison Artcurial, avec Stéphane Aubert au marteau, assisté par Benoît Forgeot et Philippe Luiggi.

Sur les cinquante exemplaires projetés, une trentaine vît le jour, dont une dizaine à l’exposition « La Collection privée de Marcel Broodthaers » à la Galerie 44, en septembre 1968. Comme le souligne Benoît Forgeot : « À l’instar des slogans qui fleurissent alors sur les murs, tirage illimité est une injonction à faire table rase de ce qui fait l’œuvre d’art, à savoir son caractère unique ». Dans un entretien réalisé à l’époque, Marcel Broodthaers affirmait : « Je ne crois pas […] à l’artiste unique ou à l’œuvre unique. Je crois à des phénomènes et des hommes qui réunissent des idées ». Ses plaques étaient généralement limitées à sept exemplaires, mais dans le cas présent, il en fit une édition illimitée, lui conférant ainsi un statut de manifeste ». L’artiste italien Giuseppe Penone, analysant ce « drapeau singulier », considère, quant à lui, que « le caractère « pop » de cette œuvre, comme des autres plaques – palette de couleurs primaires, utilisation de plastique industriel, construction en forme de rébus ludique– vient déjouer le potentiel militant du contenu, et souligne le scepticisme de Broodthaers face à l’utopie d’une reformulation radicale des normes sociales et artistiques ».

Le drapeau noir eut son petit moment de gloire lors des événements de mai 1968, entre les mains de groupes d’étudiants anarchistes, souvent mélangé parmi les drapeaux rouges.

Artcurial, Hôtel Marcel Dassault, 7 rond-point des Champs-Élysées, 75008 Paris

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