Le grand coupé qui n’était pas à Chateaubriand

Publié le 20/09/2021

Ce grand coupé, faussement attribué à Chateaubriand, a été adjugé 78 000 €.

Drouot

Chateaubriand a été un grand voyageur. Ses séjours en Amérique et en Orient jusqu’à Jérusalem masquent des destinations plus proches. En lisant ses Mémoires d’Outre-tombe, nous avons l’impression qu’il était sans cesse sur les routes, roulant vers Rome ou vers Prague. On ne prête qu’aux riches, dit-on, c’est sans doute la raison pour laquelle la tradition lui a attribué un grand coupé de voyage, qui a été adjugé 78 000 €, à Drouot (Hôtel Drouot – 9, rue Drouot 75009 Paris), le 13 juillet dernier par la maison Daguerre, assistée par Patrice Biget lors de la dispersion de la collection de voitures historiques d’André Becker.

Cette voiture, fabriquée par Luigi Rossi à Turin, carrossier du prince de Savoie-Carignan, est toujours recouverte d’une peinture verte ancienne. L’intérieur d’origine, en drap bleu plus très frais, comporte outre la banquette, deux sièges strapontins. À l’arrière, les domestiques disposaient d’un siège. Ils avaient les yeux dirigés sur les malles, toujours posées sur l’impériale. Quant au cocher, il s’éclairait grâce à deux lanternes carrées jour-nuit. Sinon, les roues avant ont un diamètre de 93 cm et les roues arrière de 140 cm, le tout reposant sur une suspension composée de quatre ressorts en C. Ce coupé présente une certaine allure et l’on peut imaginer François-René, arriver, fourbu, mais ravi, dans la cour de l’ambassade de France à Rome où il venait d’être nommé, ou alors à Prague au château de Hradcany où il rendait visite à Charles X en exil. Il avait fière allure dans cet équipage, le vicomte !

Las, ce grand coupé lui a été faussement attribué. Il appartenait en réalité à Paul comte de Sales, ambassadeur des États sardes à Paris de 1829 à 1836. Il suffisait de lire les armoiries de la famille de Sales en métal argenté appliquées sur les panneaux de portières : « D’azur, à 2 fasces d’or remplies de gueules et accompagnées d’un croissant d’or en chef et de 2 étoiles d’argent, une en abîmes l’autre en pointe » pour s’en rendre compte. Celles-ci diffèrent en effet sensiblement des armes de Chateaubriand : « De gueules, semé de fleurs de lis d’or ». Ce qui illustre un certain panache et correspond davantage à sa personnalité, d’autant que la tradition rapporte que ce blason fut concédé par Saint-Louis à Geoffroy IV de Chateaubriand, en récompense de sa valeur et de sa fidélité. On rapporte que les Chateaubriand adoptèrent alors cette devise : « Notre sang teint les bannières de France ». Une autre tradition se réfère à Joinville. Ce dernier rapporte qu’après la bataille de Mansourah (1250), Chotard de Chateaubriand sauva Louis IX d’un dard et répandit son sang sur les armes du monarque. Pour le remercier, le roi l’autorisa à reprendre les armes royales sur fond de gueules (rouge comme le sang).

Quant à Paul de Sales, diplomate remarquable, on lui attribue, en partie, le rétablissement d’un évêché à Annecy pour remplacer celui de Genève, occupé jadis par son ascendant, saint François de Sales.

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