Le grand tour de Charles IX
SVV Marie-Saint-Germain
Il était de bon ton, de la fin du seizième au dix-huitième siècle, pour la jeunesse européenne aisée, de faire le « Grand Tour », c’est-à-dire parcourir notamment l’Italie, la France et l’Allemagne, afin de parfaire leurs humanités. Charles-Maximilien de Valois-Angoulême (1550-1574), autrement nommé le roi Charles IX, effectua lui aussi un Grand Tour, mais uniquement en France. Il était le cinquième enfant des dix qu’eurent le roi Henri II et Catherine de Médicis. Il était leur troisième fils et ne pouvait songer qu’il succèderait à peine adolescent à son frère, François II (1544-1560), mort après un an de règne. Bien que déclaré majeur en 1563, il n’exerçait aucun pouvoir. La Régente, sa mère, la reine Catherine, ne semblait pas prête à laisser le pouvoir. Elle veillait à tout. Sans elle, aurait-il entrepris ce grand tour de France où dans chaque ville et village, il fut exhibé devant ses sujets, sous prétexte de les connaître. Charles n’en avait cure, il savait que le but de cette longue errance était de tenter de pacifier le royaume aux prises avec une énième guerre de religion.
Tout au long de ce périple qui débuta le 24 janvier 1564 pour s’achever en mai 1566, le roi qui était accompagné par la Cour, dût s’exercer à prononcer « moult discours. » Ceux-là furent recueillis et imprimés. Un exemplaire de ce Recueil et discours du voyage du roy Charles IX. De ce nom à, present regnant : accompagné des choses dignes de memoire faictes en chacun endroit faisant son dit voyage en ses païs & prouinces de Champaigne, Bourgoigne, Daulphiné, Provence, Languedoc, Gascoigne, Baiõne, & plusieurs autres lieux, suyvant son retour depuis son partement de Paris iusques à son retour audit lieu, és annees M.D. LXIIII. & LXV (Paris, Jean Bonfons, 1566) a été adjugé 4 950 €, à Drouot, le 17 octobre 2024 par la maison Marie-Saint-Germain.
Cet exemplaire a été relié postérieurement par Chambolle pour le compte d’un grand bibliophile, le baron Pichon (1812-1896), en plein maroquin bleu-nuit, orné, notamment sur les plats, frappés au centre d’un fer reproduisant l’emblème que le Chancelier Michel de l’Hospital (autour de 1505-1573) donna au Roi Charles IX en 1564. Quant à l’auteur de ce recueil, Abel Jouan, il est seulement qualifié dans cette édition originale de « l’un des serviteurs de sa Majesté. » Dans la seconde édition, à Lyon en 1567 chez Benoist Rigaud, il est évoqué dans le privilège comme « Sõmier en nostre cuisine de bouche ». Ce personnage était sans doute celui qui tenait les comptes des aliments nécessaires à la cuisine royale, et les inscrivait dans un sommier. « Il diligenta si bien qu’il devancea de beaucoup ses sommiers qui portoient les vivres », a noté Jacques Aymiot (1513-1593). Celui-ci avant d’être ordonné évêque d’Auxerre fut nommé par Henri II précepteur de ses fils. Charles IX le nomma en 1531 Grand Aumônier.
Référence : AJU015w7