Le jardin perdu de perfection et de clarté

Publié le 25/09/2023

Ce lot de 21 pains d’encre dont un coffret de 10 figurant des « vues du palais d’été de Pékin », a été adjugé 250 €

Delon-Hoebanx

Le Yuanming Yuan, « jardin de Perfection et de Clarté », qui abritait le véritable Palais d’été, non loin de Beijin, est devenu un paradis perdu, synonyme de raffinement et de beauté. Las, il n’en reste que quelques ruines qui s’enfoncent lentement dans le sol, et rien n’indique véritablement comment s’y rendre. Ces ruines sont le résultat de la folie vengeresse et guerrière des troupes occidentales en représailles aux tortures et à la mort de prisonniers, otages des Chinois, au terme d’une expédition militaire destinée à ouvrir la Chine au commerce occidental, et surtout à l’opium, que les Anglais produisaient aux Indes. Le 18 octobre 1860, Lord Elgin (1811-1863) ordonna le sac de ce Palais, et n’épargna même pas la bibliothèque, comparable à celle d’Alexandrie. Tous les bâtiments furent brûlés ou presque, et les soldats pillèrent tout ce qui leur semblait précieux. Ils rapportèrent en Europe des pièces et objets d’art qui continuent, aujourd’hui, d’alimenter le marché de l’art chinois, avec parfois le label : « provient du Palais d’Été ». Le lieutenant-colonel Charles-Louis Du Pin (1814-1868), qui était aux premières loges lors du sac, en vendit une bonne part à Drouot, en mars 1862. Ceci pour payer ses dettes, notamment de jeu. Ce fut un beau scandale.

Il reste que l’intérêt pour le Yuanming Yuan n’a pas faibli. Un lot de 21 pains d’encre, dont un coffret de 10 figurant des « vues du palais d’été de Pékin », a été adjugé 250 €, à Drouot, le mercredi 14 juin 2023 par la maison Delon-Hoebanx, assistée par le cabinet Ansas, Papillon & de Léry. Il est malaisé de distinguer sur ces pains d’encre l’aspect que pouvait avoir Yuanming Yuan. On peut s’en rendre compte grâce à une Suite gravée à l’eau-forte par des artistes chinois, d’après les compositions de Giuseppe Castiglione (1688-1766), dit Lang Shining, entre 1783 et 1786, commandées par l’Empereur Qianlong. Ce portfolio complet de vingt planches regravées, et imprimé en 1977 par les éditions Jardin de Flore, tiré à 275 exemplaires sur papier Vélin de Rives fait à l’imitation du papier de Chine, a trouvé preneur à 5 000 €, le 8 mai 2022 chez Drouot Estimations. Un autre exemplaire a été vendu 6 213 €, à Limoges, le 19 août 2013.

Le nom de Yuanming yuan apparut pour la première fois en 1709, lors de l’an 48 du règne de Kangxi, lorsque ce dernier donna ce fief à son fils, le prince Yinzhen, futur empereur Yongzhen (1723-1736). Dès son accession au trône, ce dernier décida de faire du Yuanming yuan, sa résidence principale et ordonna d’importants travaux d’extension et de réaménagement. La superficie du jardin passa d’environ 40 ha à 200 ha pour parvenir à la fin du XVIIIe siècle, à 466 ha. Récemment, Che Bing Chu et Gilles Baud Berthier, tous deux spécialistes des jardins et de l’architecture chinoise, ont reproduit une série de gouaches représentent vingt scènes, jing, qui composaient ce jardin, dans un album consacré à ce lieu extraordinaire.

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