Le lion chinois sur un sceau
Ce sceau de l’empereur Qianlong, sculpté en néphrite vert épinard, est estimé 300/400 000 €.
Beaussant Lefèvre
L’empereur Qianlong (1736-1795) possédait 1 800 cachets ou sceaux. On sait qu’il en utilisait 500 couramment, répartis à travers ses palais et résidences. Le musée de la Cité Interdite de Beijing en conserve un millier. Quant au reste, ils se répartissent dans différents musées et dans des collections privées, voire chez des particuliers qui n’en soupçonnent pas la présence. Il n’est pas rare, qu’à la faveur d’un inventaire, on en découvre l’existence pour leur plus grande surprise, surtout lorsque les experts leur donnent une estimation à plusieurs zéros. Un sceau en stéatite beige, découvert dans une armoire dans une résidence toulousaine, a été adjugée 1,20 M€ par Ivoire Toulouse. Ce sceau, selon l’expert, aurait servi à l’empereur Qianlong pour signer ses poèmes. On en connaît que deux ayant eu cette destination. La maison Beaussant Lefèvre & Associés avait vendu 1 579 890 € un cachet impérial du même empereur, en néphrite blanche, surmonté de deux dragons dos à dos. Cinq ans plus tard, un sceau similaire changeait de mains pour 1 725 000 €. Nous pourrions poursuivre cette litanie, en écumant les archives des commissaires-priseurs. D’autant que, parmi les douze empereurs de la dynastie des Qing (1644 à 1912), Qianlong fut celui qui en avait réuni le plus grand nombre.
Un autre sceau sorti d’un inventaire après avoir été oublié durant un siècle, sera mis en vente à Drouot, le 14 avril prochain par la maison Beaussant Lefèvre & Associés, avec une estimation de 300/400 000 €. Cette pièce sculptée en néphrite vert épinard, figure un lion la gueule largement ouverte, assis, jouant avec une balle. Ces modèles de lions gardiens ou lions gardiens impériaux chinois, sont traditionnellement appelés shi ou plus souvent en Occident « lions de Fo » ou « chiens de Fo ».
« Pour comprendre la culture du sceau en Chine, il est important de savoir qu’apposer son cachet – sur une œuvre, un document, etc. – n’exprime pas la notion de propriété. Apposer son sceau, c’est exprimer son approbation. On retrouve ainsi parfois, sur une même œuvre, plusieurs cachets d’empereurs successifs », explique Alice Jossaume. L’usage des sceaux, en Chine, remonte à plus de deux mille ans. Déjà, sous les Royaumes Combattants, on distinguait deux sortes de sceaux : les cachets officiels ou de fonction (guan xi), ou les sceaux privés ou de particuliers (si xi). La culture chinoise du cachet a atteint son apogée au cours des dynasties Ming et Qing. Les lettrés cherchaient en effet à combiner la calligraphie, la peinture et le sceau pour atteindre la perfection dans leurs créations artistiques. On en trouve ainsi en néphrite, stéatite, ivoire, bambou, cristal de roche ou encore le bronze, ainsi que des formes diverses : carrés, ronds, rectangulaires, ovales, etc. Mais après la dynastie des Qin, la néphrite fut réservée aux empereurs. Les empreintes des sceaux sont répertoriées dans un album intitulé Manuel de cachets de l’Empereur Qianlong, dont un exemplaire est conservé au musée Guimet.
• Beaussant Lefèvre & Associés, 32 rue Drouot, 75009 Paris.
Référence : AJU003z6