Le paysage mystique de Monet à Kandinsky

Publié le 16/05/2017

L’affiche de l’exposition.

Musée d’Orsay

La peinture de paysage ne s’est pas forcément réduite à une reproduction fidèle. À l’aube du XXe siècle, notamment, elle a évolué. Après les impressionnistes à la recherche des variations de lumière, certains artistes ont donné une autre dimension à la nature dans une quête d’unité avec le site et parfois de mysticisme.

Au-delà de l’image, c’est une vision spiritualisée du paysage témoignant du désir de découvrir un autre sens à la nature. À la fin du XIXe siècle, des peintres s’interrogent, et à la contemplation peut se mêler l’extase devant un lieu qui révèle aussi son mystère et surgissent des interrogations multiples, inquiétudes ou fantasmagories.

Devant la cathédrale de Rouen, Claude Monet a dû ressentir au fil des heures, la présence d’un au-delà du visible, peut-être une forme de méditation devant ce qui nous dépasse. Les séries des meules, peupliers, nymphéas, sont un hymne à la diversité des éléments de la nature autant qu’à son mystère. De même, les Oliviers tourmentés peints par Vincent Van Gogh ne sont-ils pas l’image de nos questionnements sur le monde supra-terrestre ? Gustav Klimt, Pietr Mondrian, Odilon Redon sont habités des mêmes réflexions. Loin du réalisme, Kandinsky n’exprime pas autre chose lorsqu’il installe dans l’espace, des éléments pris dans le cosmos et réinventés.

Chers à Pierre Puvis de Chavannes et Maurice Denis, les Bois sacrés évoquent la spiritualité existant dans la liaison étroite des arbres avec le ciel ; ils sont symboles de l’union de la terre et de l’au-delà et expriment la transcendance de la nature. Paul Gauguin avec Le Christ au jardin des oliviers ou Giovanni Segantini avec L’ange de la vie sont dans cette même recherche mystique. Ainsi, à la fin du XIXe siècle, des artistes représentent la nature en une vision panthéiste où s’inscrit un mysticisme.

Dans les pays du Nord, ces sentiments s’expriment différemment, les peintres semblent préférer les grands espaces propres à leur méditation. C’est la somptueuse Vague d’August Strindberg où s’unissent mouvement et force ou la vision schématique de la solitude de la montagne ou encore Emily Carr avec une course de nuages rythmée.

N’est-ce pas la nuit, le moment où le rêve, l’imaginaire s’emparent des esprits avec une part de mystère ? Les mélancoliques pastels de Bruges vue par Fernand Khnopff semblent affirmer que le visible n’est que le signe d’une autre réalité tout comme Douceur du soir dépouillée à l’extrême par James Abbott McNeill Whistler. On devine également une sorte d’extase chez William Degouve de Nuncques ou Charles-Marie Dulac, pour lesquels la nature se prête à la réflexion. Et que nous disent les paysages dévastés sinon une violence dont l’homme est souvent le déclencheur : la guerre de 1914 ; Marc Chagall, Paul Nash, Félix Vallotton, Egon Schiele expriment, par leur écriture personnelle, l’émotion transmise par la nature portant les stigmates de la destruction, donc du mal existant en l’être humain. Mystère encore avec le cosmos, Augusto Giacometti avec une Nuit étoilée où les astres deviennent fleurs éclatantes tandis qu’Edvard Munch évoque un astre éblouissant.

Symbolistes, expressionnistes, chacun a exprimé son sentiment du sacré dans la nature.

LPA 16 Mai. 2017, n° 126r8, p.16

Référence : LPA 16 Mai. 2017, n° 126r8, p.16

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