Le piéton urbain selon Christian Doumet
Se promener, marcher, flâner, cheminer, est-ce tout à fait la même chose ? L’idée de déambulation sied bien pour englober toutes ces manières de traverser « cette grande figure de la contingence moderne qu’est la ville ». C’est à une sociologie poétique du piéton et la narration de l’aventure anthropologique qu’est la flânerie urbaine que nous initie Christian Doumet dans Paris et autres déambulations. Avec, par exemple, ce genre de questions qui, lorsqu’on y pense quelques secondes, sont essentielles parce qu’existentielles : « Qui décide de nos parcours et de nos détours ? Que cherche-t-on d’une rue à l’autre ? Quel génie subreptice ordonne et déplace parfois cette carte fantasque sous nos mouvements de cavalier ? ». Qui n’a jamais fait l’expérience de ces détours d’un chemin que l’on croyait tracé, qui n’a jamais changé de trottoir sans savoir pourquoi et y a fait alors une rencontre d’autant plus inattendue et donc mystérieuse ? Pour l’auteur, être piéton c’est aussi rencontrer l’autre. Manière pour lui d’interroger longuement l’énigme des visages.
Si le titre du livre évoque Paris, qui n’est pas oublié (Belleville, Montmartre, la Plaine Monceau…), l’auteur embrasse d’autres horizons en convoquant l’histoire, les arts (la littérature – Charles Baudelaire, Guillaume Apollinaire –, le cinéma de François Truffaut, la musique de Gustav Mahler ou d’Alban Berg, une musique dans laquelle « on marche beaucoup », la photographie, la poésie de Jacques Roubaud) et les lieux (Luxembourg, Pékin, Florence, la Grèce, Budapest, Kensington, Park Avenue, les rues étroites de Gênes). C’est dire combien les angles d’approche et les pistes qu’il emprunte sont riches et divers. Le piéton urbain de Doumet est d’abord une personne de culture.
Christian Doumet.
DR.
Regarder la ville, noter, lire, écrire. S’égarer, se perdre. Errer.
Ces déambulations proposent ainsi une éthique du citadin face aux bruits et à la vitesse du monde. S’arrêter de marcher ? Certainement pas, conclut Christian Doumet. Parce que « tant que tu marches, la vie t’étreint ».