Le plumier de l’empereur
Millon
Napoléon lisait vite et beaucoup ; et écrivait de la même manière. La Fondation Napoléon, qui a édité chez Fayard sa correspondance, a répertorié plus de 40 000 lettres qu’il a signées entre 1784 et 1821. De quoi remplir quinze volumes ! Et ce n’est pas fini, car les chercheurs et amateurs continuent de découvrir en moyenne une lettre inédite par semaine, confie François Houdecek, qui a coordonné la publication de cette correspondance. Le général, premier consul et enfin empereur, a dicté la plupart de ces lettres à partir de 1793, date à laquelle son écriture disparaît. « Dès 1794, il n’y a plus de lettres de service écrites de sa main ; les seules missives autographes sont destinées aux impératrices ou à son frère Joseph », constate François Houdecek. Mais Napoléon signait toutes ses missives. On compte ainsi une trentaine de signatures différentes, allant d’un « Buonaparte » à peu près déchiffrable à un « Nap… » qui relève davantage d’un hiéroglyphe à peine lisible.
Vite ! Vite ! lançait l’empereur. On rapporte qu’il lui arrivait de dicter jusqu’à sept lettres simultanément. Abel Gance s’est inspiré de cette information et l’a reprise dans son film Austerlitz. Le contenu de ces lettres concernait les affaires de l’État et les fioritures en étaient exclues. L’essentiel, toujours l’essentiel… Napoléon disposait dans son cabinet d’une cinquantaine de collaborateurs. Il possédait tout de même un plumier, qui a été adjugé 38 000 € à Drouot, le 29 mai 2023 par la maison Millon, assistée par Maxime Charron. Ce plumier de forme cylindrique en acajou et placage de loupe de noyer, incrusté de perles d’acier facettées, est décoré en acier ciselé dans des médaillons aux extrémités, d’un côté de la figure d’Hermès, de l’autre les Trois Grâces. Il contient un nécessaire d’écriture composé d’un porte-crayon en bois laqué noir à garnitures en or (Paris, 1789-1792), d’un porte-mine en vermeil à deux bagues en or (Paris, 1819-1838), d’un ouvre-lettres en ébène et acier, de quatre porte-plumes en os d’oie, d’un crayon de bois marqué Dobbs (Londres, 1810-1820), d’un autre entouré d’une corde marqué H. Morell, et d’un morceau de feuille pliée et nouée par un ruban vert, sur lequel est inscrit « Pains à cacheter du nécessaire des batailles », probablement de la main du général Bertrand (1773-1844), avec des traces de cachet de cire rouge, comprenant plusieurs pains ronds et aplatis polychromes (morceaux de pain azyme teintés et taillés en rond, servant en guise de cire à fermer une lettre).
Cet objet est attribué à Martin-Guillaume Biennais (1764-1843), le « joaillier de l’empereur ». Il aurait donc été rapporté par le général Bertrand à son retour de Sainte-Hélène en 1821. Napoléon l’avait légué, avec son nécessaire d’or dit des batailles, à son fils, le roi de Rome, mais celui-ci ne l’eut jamais entre ses mains : le comte Bertrand le conserva après la mort de celui-ci.
Millon & Associés, 19 rue Grange Batelière, 75009 Paris
Référence : AJU009e3