Le poème de la beauté enfantine

Publié le 12/08/2022

Georgios Kollidas/AdobeStock

Georges Lafenestre (1837-1919) était autant poète qu’historien et critique d’art. Conservateur au musée du Louvre, il fut élu à l’Académie des Beaux-Arts, le 6février 1892, au fauteuil de Jean Alphand. Lié avec José-Maria de Heredia, il fréquenta Essarts, Sully Prudhomme, Henri de Régnier, Barrès, Colette, Henry Gauthier-Villars, et Pierre Louÿs. Il a laissé une trentaine d’ouvrages, des recueils de poèmes et des essais critiques, notamment Artistes et amateurs, publié en 1899 par la Société d’Édition Artistique. Dans cet ouvrage, Georges Lafenestre décrit le Titien et les princes de son temps. BGF

« L’Offrande à Vénus est la restitution exacte du tableau des Amours décrit par Philostrate. C’est avec la simplicité naïve et saine d’un ancien Grec que le Vénitien suit, sans y rien changer, la description du sophiste. Depuis longtemps, il avait montré, dans presque toutes ses peintures, un amour aussi vif pour les beaux enfants que pour les belles femmes ; ses bambins, agiles et roses, avaient un air de santé, d’insouciance, de gaîté, qui ravissait les yeux. Dans l’Offrande à Vénus, il en jeta une ribambelle, se bousculant dans la lumière avec une vivacité et un naturel incomparables. Aucune œuvre n’a été plus admirée, plus copiée, plus imitée. C’est là qu’Albane, Poussin, Rubens, Van Dyck, Duquesnoy, tous les artistes qui ont donné dans leur œuvre une grande place aux enfants, se sont longuement inspirés. Lorsqu’un siècle après, l’Offrande à Vénus allait partir pour l’Espagne, le Dominiquin demanda au vice-roi de Naples la permission de la revoir une dernière fois et se mit à fondre en larmes.

Si l’Offrande à Vénus est le poème de la beauté enfantine, la Bacchanale est celui de la beauté féminine. Philostrate, derrière cette scène joyeuse, n’apparaît plus que comme un inspirateur éloigné. La joie de vivre qui s’en exhale est bien celle qui rayonne dans les vers harmonieux et plastiques des poètes antiques, mais la lumière et la couleur y sont toutes vénitiennes, comme la chevelure dorée des nymphes qui s’y mêlent aux bacchants enivrés, comme leur teint rose et leur lent sourire, comme leur geste nonchalant et leur grâce exquise. Jamais Titien, dans la plus triomphante maturité de son génie, ne devait retrouver cette allégresse printanière, ni cette chaleur spontanée d’inspiration.

Dans Bacchus et Ariane, l’artiste, sur les indications d’Alphonse, s’attacha encore à restituer une œuvre antique, la tapisserie décrite par Catulle dans les Noces de Thétis et de Pélée. Avec quel merveilleux éclat l’Italien de la Renaissance sut tirer parti de tous les détails que la brûlante imagination de son compatriote avait si vivement groupés quinze siècles auparavant ! ». (À suivre)

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