Le repas, tout un art
Manufacture de Sèvres
Il y a dix ans, « Le Repas gastronomique des Français » était inscrit au patrimoine de l’UNESCO, un anniversaire que le musée de Sèvres a souhaité fêter ainsi que les 280 ans de la Manufacture, à travers une fort importante exposition. Tables opulentes, objets utiles ou décoratifs d’un extrême raffinement réjouissent le regard et permettent d’imaginer les festins au cours des siècles.
Outre l’élégance, le raffinement, les mille œuvres présentées font revivre l’évolution du repas, la convivialité qu’il implique de l’Antiquité à nos jours et mettent l’accent sur la créativité française en évoquant la préparation des mets, les arts de la table. L’exposition s’intéresse également aux questions contemporaines telles que la nutrition ou la biodiversité ; elle souligne comment cet art de la table, la somptuosité des dîners de l’Ancien Régime demeure à notre époque d’une manière un peu différente.
Assiettes, couverts, ustensiles évoluant au fil du temps nous instruisent sur les modes de vie qui se sont succédés depuis l’Antiquité où, déjà, apparaissaient quelques plats emblématiques. Cette présentation fournit l’occasion de mettre en valeur les collections de Sèvres où la céramique joue un rôle majeur. Les Romains ont introduit leur mode de vie en Gaule, avec le dîner « Cena », qui a lieu dans le tridinium où trois lits disposés en U accueillent les convives. Une cruche d’eau parfumée permet le lavage des mains. Parfois, danses et jeux animent le repas copieux composé de fruits de mer, viande, poisson, gâteaux. Cette tradition se perpétue jusqu’au Moyen Âge, époque des services « à la française », où les plats sont plus nombreux avec pâtés, entrées, potage, volaille, gibier et en dessert, des tartes et beignets salés. Une profusion de mets épicés. Dans un cadre souvent fastueux, des tréteaux recouverts de nappes font office de tables.
Le repas ne cesse de tenir une place importante au cours des siècles. Si la Renaissance a connu une grande période de renouveau en art, il n’en est pas de même pour la cuisine. Le sucre semble être fort apprécié et l’on réalise par exemple une « tarte à la moëlle de bœuf » qui laisse perplexe. La vaisselle demeure très simple. La découverte de l’Amérique fait apparaître de nouvelles denrées : pomme de terre, tomate, maïs, potiron. Le XVIIIe siècle en est très friand. Le temps passant, la cuisine évolue et c’est au « Grand Siècle » qu’apparaît le repas français ; une cuisine aristocratique commence à voir le jour et c’est à la cour de Versailles qu’elle prend toute son ampleur. Sont servis plats chauds et froids ; quant aux bouteilles et verres, ils ne figurent pas sur la table. Pour de grands dîners d’apparat ou plus intimes, la vaisselle est nécessaire. La cour et l’aristocratie commandent alors des services de table comprenant de nombreuses assiettes, une centaine, ainsi que plats et terrines. Ces pièces sont réalisées en faïence ou porcelaine. Souvent décorées et rehaussées d’or, elles révèlent le talent, l’invention créatrice française. Une pièce va être destinée à ces festins : la salle-à-manger, autour de 1730.
D’année en année, le raffinement se fait plus extrême, avec son apogée au siècle des Lumières où la cuisine se simplifie, devient plus délicate. Déjà est inventée une « nouvelle cuisine » par Vincent la Chapelle et que Louis XV apprécie fortement. Des boissons accompagnent les repas, le champagne en particulier, dont la culture remonte au IIe siècle apparaîtra aux siècles suivants, où il connaît un bel essor mais il est réservé aux classes aisées.
Tableaux, objets sont présents au long du parcours, on remarque parmi tant d’autres le raffinement d’une salière en porcelaine « L’Amour timbalier » de Sèvres, ou un tableau de François Desportes, une grande tablée féminine ; c’est encore un charmant « Pot à oille » de 1771, élégamment décoré ou une singulière bouilloire à bascule en forme de courge en métal argenté.
Le rayonnement de la manufacture de Sèvres est immense ; Louis XV et Louis XVI apprécient ces créations qu’ils offrent souvent aux diplomates ; elles sont également prisées à l’étranger par leur style raffiné, innovant. De l’Empire à la Belle Epoque le service s’allège, les tables sont magnifiquement décorées. Tout évolue, les services comme les plats, et les restaurants commencent à attirer le public ; les cuisiniers se distinguent au XIXe siècle : Antonin Carême ou Auguste Escoffier. À l’arrivée de l’Art nouveau, la nature devient la grande inspiratrice des décorateurs et plus près de nous, la vaisselle s’est stylisée comme l’atteste le service créé par Étienne Hajdu en 1972, ou le service bleu créé pour l’Élysée par Evariste Richer.
Cette plongée dans l’art de la table propose un moment de découverte et de beauté.
Référence : AJU000n7