Le retour de Fernand Pouillon

Publié le 03/01/2020

Le retour de Fernand Pouillon

Au cœur de l’abbaye de Montmajour. Quelle belle idée d’exposer l’architecture dans ce vaisseau de pierre qu’est la magnifique et merveilleusement conservée abbaye de Montmajour. L’architecture donc mais pas n’importe laquelle : celle de Fernand Pouillon en Algérie ! Il faut avoir circulé dans l’Alger aujourd’hui et discuté avec les taxis pour sentir combien les Algérois sont encore fiers de ces cités et immeubles souvent hélas en piteux état. En vérité, Fernand Pouillon a essaimé sur tout le territoire, de Ghardaia à Zeralda, de Sidi Fredj à Annaba, de Tipasa au complexe touristique des Andalouses. Les photographies (de 2014 et surtout de 2018), touchantes, humaines, et évidemment architecturales de Daphné Bengoa et Leo Fabrizio restituent bien l’ambition de Fernand Pouillon de « bâtir à hauteur d’hommes ». Aux bâtiments souvent décatis ou laissés à l’abandon et à la solitude, font écho les vies qui continuent au sein des cités Diar-es-Saâda ou Climat de France à Alger. Le choix du mot climat n’étant pas neutre de la part de celui qui, pour Leo Fabrizio, était convaincu que « chaque construction crée un climat », l’architecte pratiquant « une architecture durable avant l‘heure ». Leo Fabrizio dans le livre magnifique qui accompagne l’exposition écrit encore : « Il manque à son œuvre invisible une véritable iconographie actuelle. Puisse la démarche photographique présentée dans cet ouvrage tenter, humblement, de commencer à comble le vide ». Ces photographies qui racontent le désir de construction interrogent sur la marque et la trace que laisse aujourd’hui Fernand Pouillon. Le 31 août dernier, l’abbaye accueillait une conférence autour de l’exposition animée par le même auteur.

Les mémoires d’un architecte. Hasard ou coïncidence, les mémoires rédigées par Fernand Pouillon et publiées en 1968 sont dans les présentoirs, suite à une réédition bienvenue. Il est décédé en 1986. Pris dans la nasse d’une affaire financière, il en a été touché au cœur. Électron libre, bête noire de son ordre, il avait des ambitions et une vision bien ancrée de l’architecture. Il savait se faire des ennemis, ce qui en soi est plutôt bon signe. Mais ça se paie. L’affaire du CNL l’a relégué dans l’oubli. On salue donc cette exposition et ce livre, qui dévoilent sa vision de l’art architectural empreint d’un profond humanisme…

LPA 03 Jan. 2020, n° 147k8, p.22

Référence : LPA 03 Jan. 2020, n° 147k8, p.22

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