Le Songe d’une nuit d’été au Théâtre Sarah Bernhardt

Publié le 27/02/2024

Théâtre Sarah Bernhardt

C’est le théâtre public dans ce qu’il a de meilleur. D’abord un lieu vénérable, le théâtre de la Ville, rebaptisé Sarah Bernhardt, enfin réouvert après de grands travaux de restauration très réussis. Ensuite, un directeur et metteur en scène : Emmanuel Demarcy-Mota, avec un parcours exemplaire, depuis qu’à l’âge de 17 ans il avait créé sa troupe avec des copains du lycée Rodin. La suite sera un sans-faute dans une longue série de spectacles qui ne laissent jamais indifférent, comme le Marat Sade de Peter Weiss ou le Rhinoceros de Ionesco, parmi tant d’autres qui nous avaient marqués. Enfin, après les années d’exil où sa créativité ne s’est pas mise en sommeil, les retrouvailles avec « son » théâtre, avec Shakespeare, dont il avait monté en 1998, Peines d’amour perdues, et avec 16 acteurs, dont la plupart, comme Valérie Dashwood et Gérald Maillet, étaient dans la troupe à l’origine, fidélité jamais affaiblie comme celle qui le lie à François Regnault pour la traduction intelligemment modernisée : vers libres, plus fluides et tout aussi poétiques que les pentamères ïambiques anglais.

Le Songe, ce sont d’abord des « terriens » et des projets de mariage, celui de Thésée, la reine d’Athènes et du jeune Hyppolite, qui ont commandé aux « artisans » devenus comédiens de composer et jouer une pièce le jour des noces, le mariage aussi d’Hermia amoureuse de Lisandre, mais que son père veut contraindre à épouser Démétrius et enfin celui qu’Héléna voudrait faire avec Démétrius qui la repousse. Ce jeu de l’amour et du hasard, proche des comédies de Molière ou de Marivaux, est perturbé lorsque tous se retrouvent dans la forêt où Hermia et Lisandre se sont enfuis. Ici règne Obéron, le roi des fées, la reine Titiana et leur lutin Puck. Tout bascule alors dans le magique, mais la féerie tourne vite à l’absurde car Puck ne cesse de se tromper en distribuant le philtre magique, personnage clé de la pièce qui aura le mot de la fin en souhaitant à la salle « bonne nuit », comme s’il était temps, la tête pleine de songes, de se reposer après tant de péripéties et de méprises, certaines funestes, comme l’histoire de Pyrame et Thisbé, une des métamorphoses d’Ovide dont Shakespeare s’est inspiré.

La mise en scène est d’une grande efficacité pour transmettre les mille et une trouvailles de l’auteur : théâtre dans le théâtre, forces du cosmos, pièges de la nuit et du monde souterrain, mystères de l’inconscient, non-sens et charmes de la pagaille dont on arrive quand même à sortir. La scénographie épouse un espace-temps tout en fluctuations, de grands arbres mouvants, des trappes d’où sortent les fées, une pénombre parfois douce, parfois inquiétante – jamais longtemps –, un beau travail de décors, costumes, lumières, élégance, raffinement. La complicité et la force vitale emportent les comédiens, tous excellents. La magie est au rendez-vous.

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