Le surréalisme centenaire
André Breton photographié par Henri Manuel, 1927.
« Sans le dadaïsme, il n’y aurait pas eu de surréalisme. André Breton aura un jour la place qu’il mérite ; la première… » disait, dans le Figaro du 18 avril 1956, René Gaffé (1887-1968). Ce dernier, un industriel belge, collectionneur et critique d’art, fut aussi le premier parmi les bibliophiles à réunir l’une des plus importantes collections d’œuvres cubistes, dadaïstes et surréalistes. Le catalogue de la vente de sa bibliothèque, les 26 et 27 avril 1956, à Drouot, par Me Laurin, est devenu lui-même un objet de documentation bibliophile. Il convenait de saluer sa mémoire au moment où l’on célèbre le centième anniversaire de la publication du Manifeste du surréalisme, Poisson soluble (Paris, Édition du Sagittaire, Simon Kra, 1924, in-12), dont un des derniers exemplaires brochés à être passé en vente publique, a été adjugé 442 € à Drouot, le 21 février 2024, par la maison Ader. Un des 19 exemplaires sur papier pur fil Lafuma, seul grand papier, broché, couverture rempliée, sous chemise à dos de chagrin noir et étui signés de Montecot, a, en revanche, été vendu 9 478 € à Drouot, le 6 juillet 2022 par la maison Pierre Bergé & Associés.
Ce manifeste, surnommé le « bréviaire du surréalisme » ou la « profession de foi et l’acte de baptême du mouvement surréaliste » est né de la rupture avec Dada et de l’interrogation sur l’avenir du groupe. André Breton, « le pape » du mouvement, décida de fixer sur le papier un texte qui pût servir de référence. Ce fut ce Manifeste du surréalisme, bref essai où figurent une théorie de l’écriture automatique et un salut nuancé aux révélations du freudisme. Comment enrichir le réel par l’apport de tout l’inconscient habituellement ignoré ou refoulé, et constituer ainsi une « surréalité ». Ce propos illustre les trente-deux textes automatiques de Poisson soluble, joints à l’édition originale. Ce premier manifeste fut réédité sans modification en 1929, mais augmenté d’une préface et de la Lettre aux voyantes composée en 1925.
Breton n’en resta pas là puisqu’il composa successivement deux autres manifestes. Un exemplaire de ce Second Manifeste du surréalisme, orné d’un frontispice de Salvador Dali (Paris, Éditions Kra, 1930, in-4), broché sous chemise et étui, un des 60 Annam de Rives enrichi d’un envoi autographe, signé à Benjamin Péret, a été vendu 3 319 €, à Drouot, le 19 avril 2018 par la maison Aguttes. Et aussi, un des 50 exemplaires sur Montgolfier réservés à la librairie José Corti et numérotés en chiffres romains (nº XXVII), relié par J. P Miguet en 1971, est monté jusqu’à 3 791 €, à Drouot, le 18 juin 2021 par la maison Pierre Bergé & Associés, lors de la dispersion de la bibliothèque Geneviève et Jean-Paul Kahn III. Plus récemment, pour l’anecdote, un exemplaire – en l’état – du même Second manifeste du surréalisme a trouvé preneur à 486 €, à Drouot chez Tessier & Sarrou, le 15 décembre 2023. Celui-ci, un S. P (service de presse) avec un envoi, « à Pierre Drieu la Rochelle, souvenir d’André Breton », précédait une édition originale du premier manifeste, avec un envoi au même Dieu la Rochelle, vendue 1 024 €. Les « Manifestes » se succédèrent jusqu’en 1955.
Référence : AJU013p2