Le voile de la muse de la comédie

Publié le 07/04/2023

Thalie, la muse de la Comédie vue par Giovanni Francesco Romanelli (1610-1662), était présentée au Salon du dessin

Galerie Nathalie Motte Masselink

Dans la mythologie grecque, Thalie est une jolie jeune femme qui préside à la Comédie. Fille de Zeus, elle occupe une place privilégiée dans le Panthéon. Elle a sans doute hérité des dons de sa mère, déesse de la mémoire. Ce qui est assez utile lorsqu’on doit déclamer des vers au théâtre… On ne sait si c’est Apollon qui a été séduit par la belle muse ou l’inverse. Toujours est-il qu’avec le dieu du Soleil, elle conçut, semble-t-il, les danseurs Corybantes. Ceux-là, coiffés d’un casque et vêtus d’une armure, suivent le rythme des tambourins, des cors, des flûtes et des cymbales, avec leurs pieds, et célèbrent ainsi le culte de la Grande Déesse phrygienne Cybèle, la déesse mère.

Thalie a souvent été représentée, et on la reconnaît grâce à sa mine enjouée disent les historiens d’art, mais aussi à des attributs comme les masques qu’elle tient à la main, ou posés à ses côtés. C’est le cas de l’œuvre (pierre noire, sanguine) réalisée par Giovanni Francesco Romanelli (1610-1662), présentée au Salon du dessin par la galerie Nathalie Motte Masselink. La modèle est adossée contre un rocher, à peine vêtue par une palla rose qui lui couvre le bassin et les jambes. Elle maintient au-dessus de sa tête un voile blanc qui ondule dans son dos. Au sol, deux masques de théâtre. Son visage n’est pas enjoué comme le signifie son nom « la Joyeuse », il est plutôt serein. Nous retrouvons cette posture dans le tableau de Jean-Marc Nattier, daté de 1739, conservé au musée des Beaux-Arts de San Francisco. La figure du modèle y est en revanche souriante et le voile n’est autre qu’un morceau d’un rideau de scène soulevé permettant de voir des comédiens.

Giovanni Francesco Romanelli fut d’abord élève du Dominiquin, puis de Pierre de Cortone qui était à l’époque le représentant le plus important de la peinture baroque à Rome. Après la chute des Barberini, il fut appelé à Paris par Mazarin, où il resta de 1645 à 1647. Il réalisa à cette époque un cycle des Métamorphoses d’Ovide que l’on peut voir dans la Galerie Mazarine du site Richelieu de la BnF. On a redécouvert récemment une Allégorie de la Justice (huile sur toile octogonale), créée pour le décor de la chambre du cardinal. Elle a été adjugée 254 000 € à Drouot, par la maison Kâ-Mondo et aussitôt préemptée par le musée du Grand siècle.

Romanelli retourna en France dix ans plus tard et travailla à la décoration des appartements de la reine Anne d’Autriche, au palais du Louvre. Cet artiste eut souvent recours à la mythologie. On lui reconnaît une certaine simplicité dans son expression et on apprécie les couleurs fraîches, notamment son bleu qui lui est propre. Le 7 octobre 2020, une paire de toiles Le triomphe de Galatée – la mort d’Adonis a été vendue 62 000 € à Drouot par la maison Kohn. « Nous rapprocherons ces compositions mythologiques des fresques de Romanelli de la période parisienne au Louvre », dit l’expert Éric Turquin.

Galerie Nathalie Motte Masselink, 12 rue Jacob, 75006 Paris

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