Le Voyage du Condottière
Le Livre de Poche
Ce récit d’André Suarès (1868-1948) fut écrit à la suite de ses cinq voyages en Italie. Et qui envisage un tel voyage devrait lire Le Voyage du Condottière ; non que ce livre soit un guide touristique, il nous emmène, avec bonheur, dans une atmosphère de ressentis et d’expériences, de descriptions et de réflexions… Ce livre n’est pas pour le touriste ou celui qui aime les plages et les rues encombrées, mais pour le voyageur qui sait regarder et écouter les choses avec une curiosité de chaque instant.
Son premier voyage, André Suarès l’effectua en 1893, de Bâle à Milan, puis à Crémone, Pavie, Parme, Mantoue, Vérone, Padoue, et enfin Venise et Ravenne ; le deuxième, en 1902, avec son frère Jean et Félix Voulot (Pérouse et Venise) ; le troisième, en 1909, en compagnie de Betty Thomann (Florence) ; le quatrième, en 1913, avec Jacques Doucet (Sienne, Assise, Bologne et Ravenne) ; le dernier, en 1928, avec Émile Paul et Jean-Gabriel Daragnès (Florence, Pise, Sienne et Gênes). Il dira plus tard : « Un homme voyage pour sentir et pour vivre. À mesure qu’il voit du pays, c’est lui-même qui vaut mieux la peine d’être vu ».
Au cours de son premier voyage, André Suarès fit de longs trajets sur les routes, autant à pied qu’en charrette. Dans Vues sur l’Europe, il dit : « J’ai vécu plus de dix mois et j’ai couru l’Italie à pied, entre Gênes et Selinonte, avec moins de 40 sous par jour, pour le vivre et le coucher ».
Dans Voyage du Condottière, André Suarès parle des villes où il s’arrêta comme il l’aurait fait pour décrire le caractère de personnes rencontrées. Par exemple, il dit que Rimini est « maussade comme un attentat réussi », ou que Gênes est banale « comme la pensée d’un boutiquier d’Amérique ». Chaque ville a sa peinture, son œuvre musicale, son église, son palais, son écrivain, son artiste ou son homme célèbre. Et il traite la ville comme un visage avec ses rides, ses verrues, sa mauvaise haleine, son sourire. André Suarès, homme sensible, avait des avis assez tranchés, mais il faut reconnaître qu’il avait souvent raison !
Ce livre, publié entre 1914 et 1932, sortit sous la forme de trois volumes : « Venise », « Florence » et « Sienne ». Ils sont composés d’une centaine de chapitres, courts ou très courts, avec des descriptions flamboyantes et épiques, ou poétiques et intimistes. Nous pouvons considérer que ce sont des chants dédiés à la nature, à l’art et à la beauté de l’Italie, ce pays pour lequel André Suarès avait un amour passionné. Dans la préface, nous avons un portrait du Condottière, Caërdal, c’est-à-dire André Suarès lui-même. Nous trouvons également un portrait de Stendhal, qui impressionna Jacques Rivière. Quant à Paul Claudel, il écrivit à Suarès en décembre 1910 : « Comme votre âme et ce pays se sont épousés ! L’Italie est vraiment pour vous un pays et une terre… ».