L’élégance de la harpe

Publié le 15/01/2024

L’élégance de la harpe

Cette harpe signée Holtzmann date de la fin du XVIIIe siècle

Pierre Bergé & Associés

Nous ignorons qui, de l’instrument de musique ou de l’animal, Colette préférait. Elle reconnaissait au chat sa grâce et son élégance. En quelques lignes, elle rendait hommage aux deux : « La chatte dehors, miaula pour entrer, et se dressa contre le grillage abaissé, en le grattant délicatement, comme une joueuse de harpe. » Ce que l’on entend de cet instrument est un son enchanteur. On ne s’étonnera pas de savoir qu’Apollon, charmé par celui de la corde se détendant de l’arc de Diane, en aurait ajouté plusieurs afin de démultiplier sa mélodie. La harpe est l’élégance même ; le jeu et la gestuelle de la harpiste ajoutent encore à sa séduction. Nous songeons à Martine Géliot (1948-1998) l’une des plus grandes harpistes de sa génération, fauchée en pleine ascension par la maladie. Sa jeunesse, sa grâce et surtout sa technique séduisaient tous les mélomanes. Nous ignorons quel en était le facteur, mais comme le soulignait le compositeur Aubert Lemeland (1932-2010) : « Sa harpe portait avec elle son harmonie ».

Une harpe en bois de tilleul sculpté à quarante-sept cordes et sept pédales, portant une étiquette collée sur le dessous de la base : « Holzmann Fils, Facteur de harpe, dans le large de la rue Dufour, faubourg st Germain. À Paris », d’époque Louis XVI, sera mise en vente au 21 avenue Kléber, le 21 janvier 2024, par la maison Pierre Bergé & Associés assistée par Stéphane Pépe, avec une estimation de 5 000/ 8 000 €. Sa table d’harmonie est peinte à décors d’instruments de musique et personnages dans des paysages boisés, reposant sur une base moulurée et feuillagée. Le fut cannelé et rudenté se rattache à une importante crosse sculptée de rais-de-cœurs et d’acanthes. Les harpes étaient en effet de véritables œuvres d’art.

Une harpe exécutée par le même facteur Holtzmann Fils, mais au mécanisme à crochets, pour trente-huit cordes et sept pédales, a été vendue 8 925 €, à Drouot, le 7 décembre 2012 par la maison Aguttes. Sa crosse en bois sculpté, est laquée noir et doré, dans le goût de la Chine, et est ornée de personnages et de pagodes. Henry Holtzmann, reçu maître luthier en 1782, était le fils de Godefroy Holtzmann (†1792), également maître luthier facteur de harpes, et de Marie-Charlotte Duchesne (†1786). Ils eurent six enfants, deux filles et trois garçons. Deux d’entre eux suivirent les traces de leur père. Si Henry était installé rue Dufour, Jean-Baptiste tenait son atelier rue Saint-Antoine. L’une des filles épousa un facteur de harpes et de clavecins. Dans le dernier tiers du XVIIIe siècle la notoriété des Holtzmann fut grande. L’une de leur harpe figurait dans l’inventaire après décès, en 1784, de la marquise de Fleury, née Montmorency-Laval. À cette époque, avec le piano-forte, la harpe fut l’un des instruments de musique les plus appréciés dans la haute aristocratie, notamment en France. La future reine Marie-Antoinette elle-même s’y essaya brillamment, dit-on, vers la fin des années 1770.

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