L’éléphant sur une tenture de grotesque

Publié le 04/04/2022

Cette tapisserie de la Manufacture de Beauvais, Grotesques à fond jaune et tabac,  époque Louis XIV, est estimée 50/80 000 €.

Delon-Hoebanx

L’éléphant est un sage. Mieux encore, il incarne aussi un dieu, comme c’est le cas en Inde. Selon Aristote, il est « la bête qui dépasse toutes les autres par l’intelligence et l’esprit ». Les représentations graphiques de l’éléphant sont si nombreuses qu’un volume n’y suffirait pas. On connaît des pétroglyphes remontant à 6/7 000 av. J.-C, voire à 10/12 000 av. J.-C. Les artistes médiévaux auraient pu s’inspirer de ces figures, car ils les glissaient dans un corps de cheval ou de bovidé, et les affublaient de trompes en forme de trompette et de défenses comme les dagues des sangliers. Certains glissaient même leurs pieds dans des sabots. Il est vrai que ces illustrateurs n’avaient pas encore eu connaissance des sites rupestres dans le Sahara, ni n’avaient jamais vu d’éléphant vivant.

Au XVIIIe siècle, les voyageurs avaient depuis longtemps rapporté des représentations fidèles du pachyderme. Ce qui permit à des illustrateurs comme Jean Berain Ier (1640-1711) de graver, par exemple, des figures qui inspireront Jean-Baptiste Monnoyer (1636-1699). Ce dernier composera en effet un carton de tapisserie dans laquelle figure un éléphant. Celui-ci, harnaché et enrubanné comme aiment à la faire les Indiens, ne semble pas mesurer les 5 à 6 mètres de sa taille normale. Qu’importe après tout, cette tapisserie de la Manufacture de Beauvais, Grotesques à fond jaune et tabac, tissée en laine et soie, époque Louis XIV, fin du XVIIe ou début du XVIIIe siècle, 300 x 450 cm, a tellement plu qu’il en fut exécuté des copies jusque vers 1730. L’une d’elles sera mise en vente à Drouot, le 8 avril prochain par la maison Delon-Hoebanx, avec une estimation de 50 000/80 000 €.

Cet Éléphant fait partie des six sujets : L’Offrande à Pan, L’Offrande à Bacchus, Les Musiciens, Le Dromadaire et Le Dompteur. Elle représente, sur fond tabac, une composition complexe et « grotesque », où l’on voit des musiciens dansants et un joueur de trompette assis sur le dos d’un éléphant couvert d’un tapis à lambrequins. « La scène s’inscrit dans une perspective à dallage, rythmée d’architectures à dais et de colonnades à sphinges allongées, agrémentée de pampres, carquois, draperies, guirlandes fleuries et feuillagées », précise la notice du catalogue. « La bordure chinoisante est caractéristique des motifs dits à la Berain, sur fond crème de paons, corbeilles fleuries, rinceaux feuillagés, cassolette, encore encadrée d’entrelacs centrés d’oves ou d’une frise de feuilles d’eau ». On connaît au moins trois séries de grotesques livrées à la famille royale, dont une première en 1696 pour le service de Marly et une autre pour le comte de Toulouse, le fils légitimé du Roi-Soleil, pour son château de Rambouillet.

Les grotesques qui étaient apparus vers 1520, dans une tapisserie, l’Acte des Apôtres d’après Giovanni da Udine, élève de Raphaël, tissée à Brussels pour Léon X, connurent le succès grâce à cet « Éléphant », et la Manufacture de Beauvais en fit sa spécialité.

• Delon-Hoebanx, 10 bis rue Descombes, 75017 Paris.

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