L’Empire des roses
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Le Louvre-Lens nous invite à un voyage fastueux, à la rencontre de ce qui fut l’empire de la dynastie Qajar, qui régna sur l’actuel Iran de 1786 à 1925. L’exposition a été mise en place par Gwenaëlle Fellinger, conservatrice au musée du Louvre, la mise en scène et la mise en espace sont réalisées par le designer Christian Lacroix qui a conçu le parcours comme une déambulation à travers les salles d’un palais Qajar.
Nous nous promenons ainsi au cœur d’une histoire, d’une culture et d’un art exceptionnellement raffiné. Le bleu, le rouge, le vert et le jaune, couleurs prédominantes dans l’art persan du XIXe siècle, nous saisissent dès l’entrée, quand nous franchissons la triple arcade d’une porte inspirée de l’architecture iranienne. Certains murs sont parés de soie et une allée est recouverte d’un tapis dessiné par Christian Lacroix.
La dynastie des Qajars (Kadjars ou Qadjars), était une dynastie turkmène issue de tribus qizilbashs, qui servirent la dynastie séfévide. Après la mort du dernier séfévide, Agha Mohammad Khan prit le pouvoir et réunifia l’Iran. L’empire des Qajars s’étendait du bord de l’Asie centrale au golfe Persique, et ses princes étaient passionnés de musique, de poésie et de peinture.
Le premier Shah de la dynastie, Agha Mohammad Khan (1742-1796), était un eunuque, castré à l’âge de 7 ans par les ennemis de sa tribu. Nous n’avons de lui aucun portrait, une couronne en cuivre émaillé peint de fleurs et d’oiseaux le remplace. Comme il ne pouvait avoir de descendant, et pour éviter des guerres de clans et de succession, il désigna son neveu Fath Ali (1772-1834) pour lui succéder. Arrivé sur le trône du paon, ce dernier comprit qu’il lui fallait construire son image puis la diffuser pour asseoir son pouvoir. Il fit donc réaliser des portraits codifiés et clinquants, instruments de sa politique et de sa communication. Son portrait qui est exposé, réalisé au milieu de son règne, le montre assis sur son trône, portant une longue barbe et recouvert de parures d’or et de pierres précieuses et coiffé d’une couronne toute aussi étonnante et rutilante.
Le règne de son successeur, Naser al-Din Shah (1831-1896), qui accéda au trône à l’âge de 17 ans, fut le premier empereur d’Iran à se rendre à l’étranger. Il vint en France et en Angleterre, puis parcourut l’Europe, ce qui lui inspira de construire un Iran moderne et ouvert. Pour les arts, il emprunta au Second Empire, au style victorien et à l’antique Perse. Il était passionné par la photographie et par les ballerines de l’Opéra de Paris, à tel point qu’il imposa à ses femmes de porter de courtes jupes en tulle. Ses successeurs furent également de grands mécènes, et ils firent appel à des artisans et artistes à leur cour. La peinture y occupait une place prépondérante. Les artistes utilisaient des toiles, du papier, de la céramique ou de la laque. Les objets inspirés de l’antique Perse permirent, d’autre part, de construire l’image d’une nation iranienne fidèle à sa tradition ancestrale.
Les spécialistes considèrent cette période comme charnière dans l’art islamique, et elle est une référence pour les artistes iraniens contemporains. Six shahs se succédèrent jusqu’à Ahmad Shah, qui fut destitué en 1925 par Reza Khan, qui fonda la dynastie des Pahlavis.
Face à ce foisonnement de créations, nous pouvons nous demander pourquoi cette période historique iranienne est pratiquement inconnue en Occident. Cette évocation, aujourd’hui, de cet Iran Qajar nous indique tout au moins qu’il y eut toujours des ponts artistiques et intellectuels entre les peuples, de tout temps. Seul l’obscurantisme idéologique, qu’il soit politique ou religieux interdisant les échanges et les mixitées.