Léon Bakst, des Ballets russes à la haute couture

Publié le 01/02/2017

L’exposition Léon Bakst au Palais Garnier.

Christophe Pelé / OnP

Avec ses décors et ses costumes, Léon Bakst (1866-1924) émerveilla le public au début du XXe siècle. Disparu il y a près d’un siècle, l’Opéra national de Paris et la Bibliothèque nationale de France font revivre ses fééries colorées.

Léon Bakst (de son vrai nom Lev Samoïlovitch Rosenberg) naquit à Grodno (aujourd’hui Hrodna, en Biélorussie). Il se forma à l’Académie des Beaux-Arts de Saint-Pétersbourg, et il rencontra, vers 1890, Serge de Diaghilev, au bord de la mer Baltique. Touche-à-tout de génie, Diaghilev s’imposa comme imprésario, créa bientôt les Ballets russes pour proposer des spectacles avec des peintres-décorateurs et des compositeurs russes à travers l’Europe. Il y eut Cléopâtre en 1909, Shéhérazade en 1910… Bakst fut son complice qui envoûta le public avec des scénographies flamboyantes et des costumes aux couleurs profondes, aux contrastes violents de vert et de rouge, où l’orientalisme se mêlait à l’érotisme.

Les Ballets russes incarnèrent cette Europe de l’avant-Première Guerre mondiale, avant qu’elle ne fut disloquée par les nationalismes et emportée par une tempête meurtrière. Serge de Diaghilev fit rêver une dernière fois cette Europe quelque peu décadente toutefois. La Salomé d’Oscar Wilde, par exemple, incarnée par la danseuse Ida Rubinstein, « déshabillée » par Bakst en 1908, était quasiment nue sous sa robe de perles, qu’elle finira par enlever sur scène, comme elle le fera aussi l’année suivante dans Cléopâtre.

Bakst s’installa à Paris en 1893 avec femme et enfant. Ils emménagèrent boulevard Malesherbes, où il partagea ses journées entre des commandes et son travail personnel. Extérieurement, Bakst pouvait être pris pour un professeur très sérieux, portant lorgnons et moustache. Il voyageait sans quitter son atelier, se référençant avec une documentation bien fournie. Pour La Pisanelle, un ballet de Michel Fokine, créé en 1913, il transporta le spectateur sous les voûtes lapis-lazuli d’un immense harem. Pour Phædre, en 1932, il était en Crète, dans le palais de Minos, aux épaisses colonnes bleues et rouges sous des poutres jaune vif.

Les spectacles, avec Bakst, étaient de véritables tableaux vivants. Son génie s’exprima particulièrement dans la création du costume de Vaslav Nijinski, pour le ballet L’Après-midi d’un faune, créé en 1912 sur la musique de Claude Debussy. Le corps du danseur était recouvert d’une sorte de pyjama blanc tacheté de noir. Nijinski se déplaçait latéralement sur un fond de rochers et d’arbres vert et or.

Après la Grande Guerre, Bakst fut moins dans le ton de la nouvelle époque. Gontcharova, Larionov, Picasso, Matisse et les avant-gardes, qu’il n’appréciait pas, lui ravirent la vedette. Bakst fut l’ami du dandy Robert de Montesquiou, familier de l’élégante comtesse Greffulhe. Bakst aimait la mode. Il dessina pour la couturière Jeanne Paquin et influença le style orientalisant de Paul Poiret. Il fut, chose inattendue, le « premier et inoubliable maître » de Marc Chagall, qui le pleura à sa mort.

 

LPA 01 Fév. 2017, n° 123h1, p.15

Référence : LPA 01 Fév. 2017, n° 123h1, p.15

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