Léon Spilliaert, « Lumière et solitude »

Publié le 17/12/2020

Malgré le confinement, nous avons décidé de continuer à partager avec vous de belles expositions, visitées avant le début du confinement ou découvertes virtuellement. Ce sera d’autant plus l’occasion pour vous, chers lecteurs, d’aller les visiter une fois cette période compliquée derrière nous. En attendant, portez-vous bien !

Léon Spilliaert, « Lumière et solitude »

Femme au bord de l’eau.

DR

Envoûtante, mystérieuse : cette œuvre silencieuse aux accents symboliques, souvent ténébreuse, attire, intrigue et suscite la réflexion.

Artiste belge, Léon Spilliaert mérite que l’on s’attarde sur sa création, qui explore l’inconscient et en particulier, comme le propose l’exposition, sur sa période la plus intense entre 1910 et 1919. Ses thèmes majeurs : la femme, la mer, les autoportraits révélateurs de ses obsessions, de ses questionnements sont évoqués par des ensembles sur le même sujet et révèlent des approches différentes.

Né à Ostende, il demeure fidèle à cette ville toute sa vie, même s’il habite Bruxelles quelques années et séjourne également à Paris. En partie autodidacte, Spilliaert a peu étudié mais l’art était pour lui primordial, inscrit en lui. Il a développé un style qui a évolué tout en restant reconnaissable. Il s’est intéressé aux mouvements de son temps, du symbolisme alors sur le déclin à l’expressionnisme, et quelques paysages marins plus tardifs se rapprochent de l’abstraction.

Très tôt, il entretient des relations avec le poète Émile Verhaeren, qui deviendra son ami ; plus tard, il découvre Maurice Maeterlinck, dont il illustre quelques œuvres.

Spilliaert travaille sur papier ou carton, combine encre de Chine, aquarelle, gouache, pastel, lavis pour exprimer la solitude, son angoisse existentielle, usant avec brio du noir de l’encre qu’il utilise pour illustrer la figure féminine, dont il peint la silhouette en une pratique épurée de l’arabesque. Il aime également mêler les techniques, unir transparence et matité. Jusque vers les années 1920, son écriture apparaît « sombre et grave », cependant la couleur vient parfois égayer les thèmes morbides.

Il aime Ostende balayée par le vent, la mer mouvante, dont il donne une vision simplifiée en des angles de vue originaux, rythmés d’escaliers tourbillonnants. 32 dessins illustrant Petites légendes de Verhaeren sont à découvrir ; de même, l’artiste s’est inspiré de Maeterlinck pour composer des œuvres destinées à « rendre visible la vie des âmes », selon Lugné-Poe. Êtres abandonnés qui se réfugient dans l’alcool comme la tragique Buveuse d’absinthe ou Toute seule, image bouleversante de l’abandon.

Confronté à ses autoportraits, on est saisi par l’intensité du regard presque fou parfois ; Spilliaert effectue principalement entre 1902 et 1909 un retour sur lui-même. Il se peint face à un miroir, se décline avec pour décor masques, chevalet, planche à dessin. Dans certains portraits, il apparaît presque fantomatique. Ce sont encore marines et vues de la digue, images impressionnantes, puissantes, œuvres où il témoigne d’un sens de l’espace presque onirique. Ces sombres paysages dynamisés par des architectures rectilignes sont le reflet de son être inquiet ; ses nuits d’encre sont d’une grande beauté. L’influence du symbolisme est visible dans la Trilogie noire de Verhaeren. Il traduit l’angoisse des femmes de pêcheurs attendant le retour du bateau ; silhouettes solitaires de dos, dont l’attitude traduit l’inquiétude.

Les 90 œuvres témoignent du talent de cet artiste toujours hanté par l’inquiétude et l’angoisse.

LPA 17 Déc. 2020, n° 157r0, p.23

Référence : LPA 17 Déc. 2020, n° 157r0, p.23

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