Les couleurs du bonheur : Raoul Dufy exposéà Menton
La balustrade aux papillons.
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Jean Cocteau découvre Menton en 1955 et adopte tout de suite cette ville dans laquelle il séjournera régulièrement. Son attachement est tel qu’il lui lègue un bâtiment du XVIIe siècle qu’il a restauré : le musée du Bastion où sont présentées quelques peintures et sculptures significatives.
Le musée Jean Cocteau, inauguré en 2011, séduit d’emblée. Son architecture très contemporaine rappelle les temples grecs et leurs colonnes, leur blancheur rayonne sous le soleil. Dans cet espace de 2 000 m2 de deux étages, ouvert sur la mer, est présentée l’œuvre de Cocteau de 1910 à 1960, témoin de la diversité de ses talents. Durant l’été, le rez-de-chaussée accueille une exposition temporaire, cette année, Raoul Dufy. Ces deux artistes possédaient des affinités ; ils se sont intéressés à diverses formes de création. Dufy est souvent venu à Menton, une région qu’il appréciait, lui, amoureux de la couleur, de la lumière. Près de 300 œuvres font revivre le talent inventif de cet artiste ; toute la richesse de sa création est réunie.
« Les couleurs du bonheur », titre de l’exposition, résume parfaitement l’art de Dufy et le musée tout en lumière constitue un écrin idéal pour les peintures, aquarelles, gravures sur bois, croquis pour tissus de mode destinés au couturier Paul Poiret puis à la maison Bianchini–Férier ainsi que les céramiques. Chacune de ses créations correspond à la réflexion de Gertrude Stein sur l’artiste « peintre du plaisir ».
L’exposition débute avec des marines, thème cher au peintre né au Havre : ports, péniches, bateaux, la vie animée de la mer est peinte dans la légèreté. Une eau d’un bleu intense rythmée par des vaguelettes dansantes d’une grande fraîcheur préfigure, par son graphisme presque aérien, la création textile. Un dessin succinct, des silhouettes esquissées en des touches apparentes avec une intéressante liberté se retrouvent dans ces toiles réalisées sur le motif tel Le port d’Alger, allusif, presque abstrait ; la couleur demeure dominante. Fleurs, instruments de musique, orchestres, Dufy les observe comme les paysages, la mer ou les jardins. Quant à ses natures mortes, Poisson sur plat doré, ou une composition à la coupe et théière, aquarelles aux tons délicats, elles apparaissent fort vivantes. Dufy plie la réalité à sa vision plastique.
Passionné de théâtre, Jean Cocteau participe à son renouvellement ; il écrit une farce dans l’esprit du Moyen-Âge, Le bœuf sur le toit, pour laquelle Dufy créera les décors ; il réalisera ensuite la grande fresque de La Fée électricité en hommage aux scientifiques, dont est présentée une maquette réduite.
Raoul Dufy est demeuré célèbre pour la décoration de tissus de mode qu’il illustre de fleurs stylisées le plus souvent. Quelques vêtements présentés affirment sa modernité. La série des bois gravés illustrant le Bestiaire d’Apollinaire au dessin puissamment tracé, emporte dans le monde d’Orphée. Quelques céramiques, vases décorés de motifs souvent marins : naïades, poissons, témoignent de son invention permanente.
Couleurs joyeuses, légèreté de l’écriture, poésie créent un univers de joie.