Les craintes de Pierre Jean Jouve

Publié le 16/11/2022

Audap & Associés

Un jeune homme très admiratif de son œuvre avait réussi à obtenir un rendez-vous avec André Pieyre de Mandiargues (1909-1991). Le « Maître » avait répondu à ses questions avec une apparente froideur qui lui était coutumière. À la fin de l’entretien, tandis que ce dernier écrivait un envoi sur la page de titre de son dernier opus que le jeune homme avait apporté, celui-ci s’était approché de la riche bibliothèque composée d’éditions originales reliées par les meilleurs artisans et s’était arrêté devant des volumes de Pierre Jean Jouve (1887-1976). Soudain, l’écrivain s’aperçut que son visiteur aimait les livres et connaissait Jouve, qu’il considérait comme étant « le premier romancier ou conteur qu’il choisirait si l’on lui demandait une liste de ses préférences ».

Pierre Jean Jouve était tellement discret, évitant les mondanités et les mouvements littéraires, qu’il est aujourd’hui bien oublié ou méconnu. Son « œuvre poétique est peut-être la plus importante du [XXe] siècle », affirmait Yves Bonnefoy (1923-2016), cet autre poète. Le roman Paulina 1880 (Nouvelle Revue Française, 1925, tiré à 109 exemplaires réimposés in-4 tellière sur vélin pur fil, in-12 justifiés sur Lafuma Navarre), qui met en scène un des personnages féminins les plus marquants de Jouve, a connu une certaine renommée grâce au film éponyme, réalisé en 1972 par Jean-Louis Bertucelli. Les exemplaires des œuvres de Pierre Jean Jouve sont rares dans les catalogues, cela tient-il à la méconnaissance de l’auteur ou à leur conservation exclusive de ses admirateurs ?

Toujours est-il que l’un des exemplaires de l’édition originale de Paulina 1880, relié par Duhayon, en demi-maroquin rouge à coins, a été adjugé avec six autres titres de Jouve, 877 €, à Drouot, le 18 octobre 2022 par la maison Audap & Associés lors de la dispersion de la bibliothèque de MM. Merlin. Si l’on considère la bibliographie de Jouve, nous relevons au moins 80 titres, comprenant des recueils de poèmes, des essais et des romans ; sans compter les reprises, les rééditions et autres plaquettes. Ses publications sont nombreuses et complexes, d’autant plus qu’en 1922, une crise intellectuelle le conduisit à rejeter tout ce qu’il avait écrit avant auparavant. Il voulait « l’oubli de ses premiers livres » ; ceux qui ont précédé Les Mystérieuses noces (Stock, Delamain & Boutelleau, 1925). Il y fit à nouveau allusion dans la postface de Noces (Paris, Au Sans Pareil, 1928). Un exemplaire broché de ce dernier titre, numéroté double 00 avec envoi, a été vendu 450 € le 16 décembre 2009 par Artcurial.

Le poète craignait que son œuvre ne soit rien. Il avait pourtant travaillé entre 1959 et 1963 à établir en cinq tomes, une version définitive de son œuvre romanesque ; puis, entre 1964 et 1967, en quatre tomes, la forme dernière de son œuvre poétique. Jean Starobinski s’est employé à suivre ses instructions dans l’édition collective de 1987.

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