Les dessins raffinés de Christelle Téa

Publié le 09/10/2020

Les dessins raffinés de Christelle Téa

Propriété Caillebotte

« Le dessin est la probité de l’art », écrivait le célèbre peintre Jean-Auguste Dominique Ingres ; raffinée, précise et libre, l’œuvre de Christelle Téa s’en fait le témoin.

Ses dessins oscillent entre la réalité et une invention créatrice qui ne dénature jamais le site qu’elle a choisi. Cette jeune artiste possède une maîtrise absolue du trait juste, expressif et affirme un don certain pour l’art : musicienne autant que peintre, elle a hésité entre ces deux disciplines et le dessin l’a finalement emporté.

D’origine chinoise, Christelle Téa est née et vit à Paris. Son parcours est brillant, après l’école des arts appliqués (Olivier de Serres), elle est entrée à l’école nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris ; diplômée, elle est la première artiste, à 30 ans à peine, à avoir été invitée en résidence au musée Jean-Jacques Henner en 2018 puis à Budapest l’année suivante.

Le parc de la Propriété Caillebotte, majestueux, singulier avec ses petits enclos : kiosque, poulailler, serre, chalet suisse qui ponctuent la promenade, l’a attirée. Elle a arrêté son regard sur ces lieux parfois un peu insolites, les a observés puis les a restitués sur le papier selon son ressenti tout en respectant leur vérité. Il ne s’agit ni de copie, ni de photographie, mais d’une création réfléchie. Elle décrit ces parties du parc avec finesse et poésie. Christelle Téa s’exprime à l’encre de Chine, sans dessin préalable, une prouesse car avec ce medium, il n’est pas de « repentir » possible ; le trait doit d’emblée être juste.

Si le tracé s’avère précis, l’artiste choisit cependant d’éliminer certains détails, conservant ce qui lui paraît essentiel. Elle travaille sur le vif afin de ressentir et de transcrire au plus près l’esprit du lieu. La profusion de détails n’étouffe pas l’ensemble de la composition, car le peintre réserve toujours, ici et là, des zones vierges qui permettent lumière et respiration. Souvent, des architectures structurent l’ensemble de l’œuvre : le poulailler, un grand bâtiment devant lequel picorent de minuscules poules et coqs, ou le kiosque et la glacière entourés d’arbres séculaires et encore la vaste grille d’entrée du parc ombragée par un arbre vénérable. Christelle Téa fait dialoguer ombre et lumière dans ces œuvres d’un extrême raffinement.

Si elle est à l’aise dans la représentation du parc, elle ne l’est pas moins lorsqu’elle évoque l’intérieur de la résidence : salon, chambre ou salle de billard. Avec la même attention, la même précision, elle en restitue l’atmosphère, la beauté avec tentures drapées, lits d’époque ou fauteuils dont on découvre l’esquisse de la tapisserie qui les recouvre. Par sa plume aiguisée, elle fait revivre ce patrimoine. Elle manie également l’humour avec un autoportrait inattendu dans une psyché.

Cette œuvre contemporaine traduit la perception intime de Christelle Téa, qui crée des compositions aérées, lumineuses malgré la profusion du détail. Éloignée de la mode, elle affirme une belle liberté dans une figuration toute personnelle.

LPA 09 Oct. 2020, n° 156x0, p.22

Référence : LPA 09 Oct. 2020, n° 156x0, p.22

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