Les feuilles de l’album Niao Pu

Publié le 10/01/2022

De Jiang Tingxi (1669-1732), ce cacatoès à huppe rouge, posé sur une branche de litchi, peint sur soie, a été vendu 470 000 €.

Beaussant Lefèvre/Drouot

La bibliographie des « livres d’oiseaux » n’est pas considérable mais elle comporte quelques recueils incontournables ! Pour la première fois, des oiseaux furent identifiables dans le Second Livre de la description des Animaux, contenant le blason des Oiseaux, par Guillaume Guéroult. Nous pouvons citer ensuite les ouvrages de Pierre Belon (1517-1564), du physicien suisse Conrad Gessner (1516-1565) et aussi de François-Nicolas Martinet (1760-1800), puis naturellement de Jean-Jacques Audubon (1785-1851), sans oublier ceux de Georges-Louis Leclerc de Buffon (1707-1788). Bien loin de l’Europe et même des États-Unis, d’autres naturalistes se sont penchés sur les oiseaux.

En Chine, des peintres lettrés poussèrent très loin leur art de reproduire la gent volatile. Jiang Tingxi (1669-1732) était de ceux-là. Il composa un album des oiseaux, ce qui se dit en mandarin Niao Pu, rassemblant douze albums comprenant trente feuilles peintes sur soie. Chacune d’elle se présente en deux parties, à droite un oiseau et des fleurs, à gauche, le nom le nom de l’oiseau avec toutes ses caractéristiques, ceci écrit en Kaishu (style régulier ou simplifié). Le Niao Pu était particulièrement apprécié par l’empereur Qianlong (1711-1799), qui le conservait dans son cabinet, comme le firent ses successeurs. Après la fin de la dynastie Qing, en 1912, cet album disparut mystérieusement.

Trois feuilles viennent de réapparaître et ont été vendues à Drouot, le 3 décembre dernier par la maison Beaussant Lefèvre, assistée par le cabinet Portier. La première, un Kui huang li mao da bai ying wu, cacatoès blanc posé sur une branche de néflier du Japon, a été adjugée 480 000 € ; la deuxième, Ya se li mao da bai ying wu, cacatoès à huppe rouge posé sur une branche de litchi, dans le même format, a été vendue 470 000 € ; la troisième, Shan hu niao, garrulaxe à joues blanches posée sur une branche de pin, de même dimension, a été vendue 490 000 €. Les trois feuilles portent deux cachets chen ting xi du nom du peintre et zhao zhao ran han.

Jiang Tingxi n’était pas seulement un lettré, il était l’un des premiers ministres de l’empereur Yongzheng (1723-1736). Il mit tout son talent de scientifique et d’artiste dans l’exécution de ces peintures d’oiseaux, influencées certes par le peintre Yun Shouping (1633-1690), mais encore par les peintres occidentaux, assez présents à la cour de Beijing, depuis l’arrivée des pères jésuites. A-t-il eu entre ses mains l’ouvrage de Belon ? Selon le Shi Qu Bao Ji, le catalogue de calligraphies et de peintures de l’empereur Qianlong, Jiang Tingxi a laissé 71 œuvres dont trois ouvrages, le Niao Pu, le Chun ge pu (pigeons et cailles) et le Bai zhong mu dan pu (une centaine de pivoines). Deux copies tardives du Niao Pu ont été réalisées en 12 volumes par les élèves de l’auteur. Le musée national de Taipei en conserve un complet, et le musée de la Cité Interdite, au moins huit. Au total, 361 oiseaux y sont décrits.

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