Les lampes à arc de Paul Morand

Publié le 30/11/2022

L’édition originale de Lampes à arc de Paul Morand est ornée d’un dessin de l’auteur ; cet exemplaire a été adjugé 1 150 €

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C’est étonnant, Marcel Proust est mort il y a un siècle, et l’on ne s’en aperçoit pas. Il avait à peine dépassé 50 ans. Sur la façade du 44 rue de l’Amiral Hamelin, à deux pas de l’avenue Kleber, devenu un hôtel, on peut lire pourtant une plaque en marbre indiquant que « Marcel Proust vint demeurer ici en octobre 1919. Il y mourut le 18 novembre 1922 ». Au moment où l’on commémore l’anniversaire de son décès, nous pourrions reprendre la répartie de Sacha Guitry qui a répondu « Molière » à la question : « Quoi de neuf ? », en remplaçant le nom du dramaturge par celui de Proust ! Lire ses œuvres et les aimer, c’est entrer dans une religion particulière et faire partie d’une chapelle. Une chapelle dans laquelle on rencontre ses meilleurs amis écrivains, notamment Paul Morand (1888-1976). Ce dernier entendit parler la première fois de Marcel Proust en octobre 1914, alors qu’il était à Londres. Au cours d’un dîner, les convives évoquèrent Swann, qu’il n’avait pas encore lu. Il se précipita sur le livre et fut immédiatement séduit. « C’était pour moi comme si j’avais rencontré Flaubert » ! Il fit part à ses amis de son enthousiasme ; ceux-là le rapportèrent à Proust. Et c’est ce dernier qui, intrigué, sonna à minuit, un soir du mois d’août 1915, à la porte de Morand qui habitait à l’époque « un petit rez-de-chaussée » rue Galilée, à quelques mètres de la rue Hamelin, le futur domicile de Marcel Proust. La description que fit Paul Morand de son visiteur nocturne n’est guère flatteuse, et l’on aurait pu croire que les deux hommes en seraient restés là…. Mais bien au contraire !

Cinq ans plus tard, Paul Morand publia son premier livre, un recueil de poèmes, intitulé : Lampes à arc (Paris, Au Sans Pareil, 1920. In-4, broché, ornée d’un dessin de l’auteur reproduit à pleine page). Un exemplaire de cette édition originale, un des 17 du second tirage de tête sur hollande, a été adjugé 1 150 €, à Drouot, le 21 octobre 2011 par Drouot Estimations. À cet exemplaire avaient été joints plusieurs manuscrits, dont une Ode à Paul Morand. Poème autographe, signé des initiales et daté 7.2.XX ; 3 pages in-4 : « Le soir/tapi jusqu’aux oreilles/Chat blanc et noir/dans des coussins d’opossum/vous arrivez en riant comme un collégien qui vient de faire une farce… ».

Cette ode, composée par Léon Daudet, fait écho à une autre ode figurant dans le recueil de poèmes Ode à Marcel Proust. Il n’y a pas mieux pour commémorer la mort de l’auteur de La Recherche, que ces quelques lignes que lui avaient adressées son ami Paul Morand : « Ombre/née de la fumée de vos fumigations,/le visage et la voix/mangés/par l’usage de la nuit Céleste,/avec sa vigueur, douce, me trempe dans le jus noir/de votre chambre/qui sent le bouchon tiède et la cheminée morte ». Et pour finir : « Étaient-ce de si terribles veilles que vous y laissâtes/cette rose fraîcheur/du portrait de Jacques-Émile Blanche ?/et que vous voici, ce soir,/pétri de la pâleur docile des cires/mais heureux que l’on croie à votre agonie douce/de dandy gris perle et noir ? ». (À suivre)

Drouot Estimations, 7 rue Drouot, 75009 Paris

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