Les manuscrits enluminés des ducs de bourbon
Antoine de la Sale, Le Paradis de la reine Sibylle et autres récits, exécuté sur parchemin, vers 1440, et est orné de 18 miniatures aquarellées
Chantilly/musée Condé
Le nom de Bourbon est aujourd’hui synonyme de la maison des anciens rois de France. Il n’en a pas toujours été ainsi. Si elle appartient à celle des Capétiens, comme ensuite celle des Valois, elle n’est apparue qu’au XIVe siècle. La seigneurie de Bourbon fut érigée en duché-pairie de Bourbonnais, en 1327. Le nouveau duc de Bourbon, Louis (280-1341), qui sera surnommé « le Grand » ou « le Boiteux » était l’un des petits-fils de Saint-Louis. Sa mère était Béatrice de Bourgogne, dame de Bourbon, ce qui explique son héritage. Il ne pouvait bien sûr pas imaginer que huit générations plus tard, son descendant Henri de Navarre monterait sur le trône de France.
Les ducs de Bourbon avaient des ambitions princières. Les frontières de leur duché étaient voisines de celui de Bourgogne dont l’importance était considérable. De leur côté, les Bourbons mirent sur pied un conseil, une Chancellerie, une chambre des comptes, et parmi ces institutions, une « librairie » ducale installée dans le château de Moulins. Nous avons oublié les fastes de cette cour de Moulin. Le duc Jean II (1426-1488) pratiquait lui-même poésie et musique et protégeait les écrivains. Les épouses des ducs n’étaient pas en reste. Leur pouvoir les rapprochait des hommes ; elles utilisaient le livre afin de défendre leur camp, éduquer leurs héritiers et animer la vie de cour.
Ces livres, des manuscrits enluminés, au nombre de 900 volumes, furent dispersés avec le temps. Un grand nombre d’entre-eux est aujourd’hui conservé à la BnF et 50 au château de Chantilly, où ils entrèrent en 1661, avec le « Grand Condé », duc de Bourbon. Une exposition à Chantilly présente un certain nombre de ces livres manuscrit enluminés. Parmi eux, d’Antoine de la Sale (1386-1462), Le Paradis de la reine Sibylle et autres récits. Celui-ci, exécuté sur parchemin dans le Val-de-Loire vers 1440, comprend 36 feuillets et est orné de 18 miniatures aquarellées, d’initiales ornées et filigranées. Il est relié aux armes d’Henri II de Bourbon-Condé (1588-1646), père du « Grand Condé ». Il est dédicacé à Agnès de Bourgogne (1407-1476), épouse de Charles Ier. Cette dernière souhaitait mieux connaître les monts de la Sibylle et de Pilate, représentés sur une des tapisseries de Moulin.
Antoine de la Sale, qui était aussi un auteur satirique et fut auparavant au service du « roi » René d’Anjou, relata cette histoire de Sibylle, après son retour d’Italie où il s’était rendu en 1421. Dans la région d’Ancône, on racontait que Sibylle de Norcia, était la reine d’un paradis souterrain peuplé de créatures sulfureuses. La Sale s’en inspirant composa un conte proche de la légende du chevalier Tannhäuser. On y suit le périple à rebondissements de plusieurs protagonistes comme l’auteur lui-même ou le chevalier et son écuyer.
Aux côtés des manuscrits à peinture de Chantilly, on peut voir le Livre d’Heures de Jeanne de France, classé Trésor national, prêté par la BnF et qui provient lui aussi de la cour de Moulin.
Référence : AJU011a3