Les modes ne durent que huit jours

Publié le 22/01/2025

Cet exemplaire de la seconde édition imprimée en rouge, est affiché 1 000 €.

Librairie Pierre-Adrien Yvinec

« Petits-Maîtres » et « Mesdames les Petites-Maîtresses, » tenez-vous bien, la mode qui vous occupe en toute chose au détriment de la vie courante n’est pas une panacée. Ce n’est pas nous qui le disons, mais Louis-Antoine de Caraccioli, marquis de son état (1719-1803), auteur anonyme de Le Livre à la mode. (À Verte-Feuille, De l’Imprimerie du Printemps, au Perroquet, l’année nouvelle, ([Paris, Duchesne, 1759]. In-12), qui a dédié son ouvrage à ces petites maîtres et maîtresses-là. Un exemplaire de son édition originale relié en veau brun marbré, orné d’un triple filet doré en encadrement, est affiché 1 300 € dans le catalogue Modes & Manières, seconde partie de la collection Kilian Fritsch, présentée par la librairie Pierre-Adrien Yvinec. Nul ne sera surpris de découvrir que cette impression imprimée en vert est une satire des modes du temps. L’auteur qui était issu d’une branche cadette d’une ancienne maison napolitaine, mais davantage sarthois par sa mère, n’en resta pas là. Il revint à la charge quelques mois plus tard avec une « nouvelle édition, marquetée, polie & vernissée » (En Europe, chez les libraires, 1000700509 [1759] in-12). Un exemplaire de cette seconde édition reliée par Simier en maroquin bordeaux à grain long, double filet doré et roulette d’ogives, figure dans le même catalogue, affiché 1 000 €.

Commentant, dans sa préface, cette nouvelle impression, Louis-Antoine de Caraccioli, toujours anonyme, précisait : « La couleur verte n’ayant duré que huit jours, ainsi que toutes les modes, je vous offre le plus beau des vermillons, tel enfin qu’il brille sur vos visages magnifiquement & furieusement enluminés… » Viollet-le-Duc, qui eut entre les mains un exemplaire de cet ouvrage, le parcourut et dit : « On peut faire dans la lecture de ces futilités, qui ne manquent pas d’un certain esprit, des études de mœurs fort curieuses. » Examinant ces impressions monochromes, les premières en date dans l’histoire du livre aux dires de l’auteur, le libraire, Pierre-Adrien Yvinec, explique qu’elles ont été publiées sous le voile de l’anonymat et à des adresses fictives ; elles auraient été imprimées à Liège chez Bassompierre et non à Paris chez Duchesne, comme on l’a longtemps cru. Selon le bibliographe, Didier Travier on connaît deux éditions du Livre à la mode imprimé en vert, l’une au format in-8, l’autre in-12, qui circulaient toutes deux au début de l’année 1759. De même, on distingue trois éditions du Livre à la mode, imprimé en rouge, une seule portant la date 1759 (les deux autres, in-8 et in-12, à la date de 1760). Celui présenté dans la collection Kilian Fritsch comprend le nom de l’auteur et la date ajoutés à l’encre sur le titre, plus un ex-libris “l. [Guars ?] 1809”.

Dans ce catalogue figure également un autre titre de Caraccioli, tout aussi anonyme, une nouvelle édition de Jouissance de soi-même (Liège, Bassompierre, 1764, in-12), relié en basane fauve marbrée, orné, affiché 180 €. On peut y lire dans le chapitre consacré à la mode : « Personne ne pense à jouir de son être, & tout le monde pense à se donner un habit, ou un ameublement du dernier goût. »

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