Les nobles dames de Saint-Germain

Publié le 10/11/2021

Le Faubourg Saint-Germain, vu par Henri Monnier (1828).

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Antoinette de Navarreins, plus connue sous le nom de duchesse de Langeais, était une coquette. Balzac n’est pas tendre avec elle, d’autant qu’il s’est inspiré d’elle pour composer ce personnage de la Comédie humaine, de la duchesse de Castries, dont il était épris et qui s’était refusée à lui. Malgré tout, sous sa plume, Madame de Langeais commença sa vie comme une peste et la termina comme une sainte. Ce roman fut d’abord publié en mars 1834, dans la revue L’Écho de la Jeune France, sous le titre de Ne touchez pas la hache. Celui de La Duchesse de Langeais, figura pour la première fois dans une deuxième édition contenant Ferragus. Si les critiques littéraires s’accordent pour considérer ce roman comme l’un des plus riches et complets de Balzac, ils lui reprochent pudiquement d’être « alourdi par quelques digressions politiques appliquées ». Cette pudique opinion dissimule en réalité l’analyse très poussée que fit Balzac du faubourg Saint-Germain.

L’historien Pierre Gaxotte (1895-1982) recommandait la lecture de La Duchesse « à ceux qui se promènent dans Paris en regardant les beaux portails fermés ou entrouverts de la rue de Grenelle et de la rue Saint-Dominique ». Son conseil devrait être complété par la consultation de la Biographie des Dames de la Cour et du faubourg Saint-Germain, par un valet-de-chambre congédié (Paris, Chez les marchands de nouveautés, 1826, in-16). Ce petit ouvrage n’est pas sorti de la plume d’un domestique révoqué, mais des observations de deux compères, Eugène-François Garay de Monglave et Eugène-Constant Piton. Le premier, de son vrai nom François-Eugène Moncla (1796-1878), s’est fait connaître comme le fondateur en 1857 du « Diable boiteux ». Ses ouvrages polémiques et ses pamphlets le conduisirent régulièrement devant la police correctionnelle, qui le condamna à l’amende ou à la prison. Le second, dont on ne connaît pas les dates, était auteur de poésies et d’ouvrages abrégés pour la jeunesse.

Un exemplaire relié en plein maroquin vert orné, est présenté par la librairie les Amazones, au prix de 500 €. Ce petit ouvrage se présente d’ordinaire sous une couverture bleutée à l’instar des livres de colportage. On peut penser qu’un lecteur a tellement apprécié les portraits de ces 106 dames du faubourg Saint-Germain, toutes membres de la haute aristocratie, et en vue, qu’il a décidé de les habiller à sa manière dans une élégante reliure. Le texte est féroce, drôle et impertinent. On y croise ainsi Madame de Chastenay, Madame Récamier, Madame Benoist, Madame de Chateaubriand, la duchesse de Dino, la duchesse de Duras, Delphine Gay, Madame de Genlis… Et encore la vicomtesse d’Agoult, la comtesse de Villèle, et aussi la vicomtesse d’Arlincourt, l’épouse de Charles-Victor Prévost d’Arlincourt, surnommé « le prince des romantiques » et que l’on a complètement oublié.

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