Les paquebots rêvent encore

Publié le 15/11/2024

Paquebots 1913-1942. Une esthétique transatlantique, Musée de Nantes

Dans les coursives de ce qui fut la base des sous-marins allemands à Saint-Nazaire, le musée « Renversante » a installé un musée-paquebot tentant de faire revivre l’ambiance des transatlantiques. Cette Escale Atlantique est faite pour rêver. C’est en effet à partir de Saint-Nazaire que la Compagnie générale transatlantique exploitait les lignes régulières pour le Mexique et Panama, avec plusieurs escales aux Antilles et aux Caraïbes. La Cunard Line avait choisi Cherbourg comme port d’escale français de sa ligne Southampton-New York. Tandis que les paquebots français partaient du Havre pour New York. De Bordeaux, les Messageries maritimes convoyaient les voyageurs vers l’Amérique du Sud.

Nous avons retrouvé une étiquette de bagage de la French Line de la Compagnie générale transatlantique pour un retour de New York à Paris. Nous nous sommes pris à rêver qu’elle aurait appartenu à Paul Morand (1888-1976). Celui-ci fut un globe-trotter infatigable. Ses récits publiés durant l’entre-deux-guerres sont « marqués par sa fascination pour la technologie, le voyage est une course effrénée autour de la planète », dit Halia Koo, auteur d’un essai consacré au Voyage, vitesse et altérité selon Paul Morand et Nicolas Bouvier (Honoré Champion, 2024). Paul Morand faisait partie de la génération des poètes itinérants, incarnant davantage l’excellence de l’écrivain transatlantique : « Nous nous mîmes à dévorer la terre, impatients de la lenteur des paquebots, excités par notre soudaine liberté. » Nous ignorons quelle serait la réaction de « L’homme pressé » face à ces immeubles sur mer qui ont succédé aux paquebots qu’il fréquentait. Il serait certainement horrifié, comme le plus grand nombre de ses contemporains. Nous l’entendons réciter son poème intitulé, Dépression sur l’Atlantique (1927) : « Quelle est douce la route d’Amérique, /même défoncée […] Le navire force la mer et s’avance et de partout dans la coque d’acier on vit au rythme de son titanesque système de propulsion. »

Le musée de Nantes a ouvert ses portes sur Une esthétique transatlantique fondée sur l’objet-paquebot en observant son extérieur et son intérieur afin de goûter – ou comprendre – l’expérience du voyage. Si l’entre-deux-guerres a inventé le tourisme grâce aux développements technique et économique. Il fallait séduire un public choisi. Les affiches se succédèrent comme celle de Cassandre (Adolphe Jean-Marie Mouron, 1901-1968), décrivant en quelques traits la force du Normandie. Un exemplaire de cette affiche en premier tirage de 1935 a été adjugé 11 000 €, à Drouot, le 25 janvier 2012 par la maison Tajan. Le musée de Nantes présente une série d’affiches largement influencées par l’Art Déco, comme quelques objets – trop peu – et surtout des peintures. La vision des peintres face aux paquebots, se modifie avec des proues élancées comme avec Jules Lefranc et le Lancement de Normandie (1933), ou des accolements de cheminées et manches à air, comme Paquebot Paris (1921-1922), chez Charles Demuth. En réalité, le paquebot a également contribué à l’évolution de l’architecture et du design intérieur. Le luxe incarné, notamment par le Normandie, étant ici, facteur de progrès.

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