Les peintres de l’École d’Hanoï

Publié le 04/03/2024

Le tableau Le Thé par Lê Phò, figurant sur cette couverture, a été adjugé 204 000 €

In Fine

Il y avait bien longtemps que nous souhaitions tenir entre nos mains un ouvrage complet sur les peintres issus de l’École des Beaux-Arts de l’Indochine, fondée il y a juste cent ans à Hanoï par Victor Tardieu (1870-1937). Celui-ci délivra un enseignement inspiré de celui des Beaux-Arts de Paris, mais accompagné des techniques pratiquées en Extrême-Orient. Ce livre, donc, existe ; il est arrivé sous le simple titre : l’Art moderne en Indochine. Son autrice, Charlotte Aguttes-Reynier, raconte d’emblée qu’elle a découvert la peinture vietnamienne au hasard d’un rendez-vous. Il s’agissait de l’œuvre intitulée : Le Thé (71 x 54.5 cm), « une soie merveilleuse d’une très grande qualité d’exécution réalisée par Lê Phò (1907-2001) ». C’était bien vu ; cet artiste délicat est, aujourd’hui, considéré comme l’un des grands de l’art du Vietnam, surtout depuis l’exposition « l’Âme du Vietnam » à Paris en 1996. Son fils, Pierre Le-Tan (1950-2019), qui nous a quittés trop tôt, mélangeait, dans ses illustrations, l’élégance et l’ironie. Toujours est-il que Charlotte Aguttes-Reynier, séduite, a commencé ses recherches et est devenue l’une des spécialistes de ce peintre, puis poussant plus loin ses études, de façon plus générale, cette peinture qui a marqué à la fois l’art de l’Indochine et la nôtre depuis un siècle.

Les tableaux de ces artistes ont été introduits dans les ventes publiques autour des années 1990 et, alliés à leur découverte, ont commencé à enregistrer des adjudications de plus en plus hautes, notamment grâce à la maison Aguttes qui a développé avec brio son « département indochinois ». Charlotte Aguttes-Reynier s’était en effet étonnée du décalage existant entre certains résultats aux enchères réalisés en Asie et ceux du reste du monde. En 1996, l’Oiseleuse, toujours de Lê Phò, était estimé 120 000 F, soit environ 28 000 € et Mélancolie, 28 000 F, soit 6 500 €. Le tableau Le Thé a été adjugé 204 000 € à Drouot, le 25 juin 2014, par la maison Aguttes.

L’ouvrage de Charlotte Aguttes-Reynier ne dresse pas de grille de cotes. Mais le simple fait de raconter, décrire et analyser cette histoire de l’art moderne en Indochine jette un éclairage précis sur tous ces artistes dont les œuvres sont désormais appréciées et connues. Cet ouvrage comporte, suivant un important chapitre consacré à la naissance de cet art moderne, une biographie des artistes et une sélection d’œuvres. Nous y avons retrouvé par exemple, Mai Thu (1906-1980) et aussi Lê Van Dê (1906-1966) et Nguyen Phan Chanh (1892-1984). Et encore Vu Cao Dam (1908-2000), Nguyen Tien Chung (1914-1976), et beaucoup d’autres encore à découvrir, sans oublier Victor Tardieu et son successeur Évariste Jonchère (1892-1956), suivi Joseph Inguimberty (1896-1971). L’école fut fermée en 1954, mais les cours continuèrent d’être dispensés par des artistes comme Nam Son ou To Ngoc Van au sein d’une institution contrôlée par le parti. Le centenaire de cette École devrait permettre de la mettre à l’honneur. Peut-être par l’organisation d’une vaste et complète exposition ?

Plan
X