Les potages du Roi-Soleil

Publié le 27/11/2023

Ce manuscrit de l’Estat et menu général de la dépense ordinaire de la Chambre aux Deniers du Roy année 1711 a été adjugé 7 000 €

Delon-Hoebanx

On rapporte que Louis XIV convia Molière à sa table au petit lever. Ayant appris que le dramaturge avait été contraint de reprendre la charge de tapissier et valet de chambre du roi, et était méprisé par les autres officiers de la cour, qui refusaient de partager leur repas avec un comédien, le Roi-Soleil l’invita à sa table. Cette scène a été immortalisée dans un tableau composé en 1824, par Jean-François Garneray. Cette toile est conservée à la Bibliothèque-musée de la Comédie Française, comme cet autre tableau peint, cette fois par Ingres. Il s’agit en réalité d’une belle légende puisée dans les mémoires de Mme Campan, dont la première édition date de 1822.

Mme Campan qui n’était évidemment pas présente à ce petit lever de Louis XIV, ne donne aucune précision sur le menu du jour. Grâce à un volume manuscrit : Estat et menu général de la dépense ordinaire de la Chambre aux Deniers du Roy année 1711 [date modifiée a posteriori, pour « 1735 »], nous en savons un peu plus sur ce que mangeait le roi. Ce volume in-8 relié à l’époque en plein veau glacé havane (dos à 5 nerfs, originellement cloisonné et fleuronné (traces de fleurs de lys dans les entre-nerfs, dans état d’usure), a été adjugé 7 000 € à Drouot, le 25 octobre 2023 par la maison Delon-Hoebanx, assistée par Ariane Adeline.

Ce manuscrit, écrit en cursive brun foncé, détaille avec précision les dépenses de bouche du roi Louis XIV et de la cour de France pour l’année 1711. La bibliothèque de l’Arsenal conserve un manuscrit semblable pour l’année 1709. On peut y lire, par exemple, que l’on proposait au souverain au déjeuner (pour nous petit-déjeuner), un bouillon de chapon vieil, de bœuf, de veau et de mouton. Quant au dîner (pour nous le déjeuner), on lui apportait notamment une perdrix au chou accompagnée de « moyen potager », c’est-à-dire des légumes, ou des pigeonneaux de volière pour bisque, puis des fruits. Pour le souper (le dîner pour nous), il pouvait commencer par des petits potages et continuer par un chapon haché, des perdrix aux lentilles, des poulets farcis et un chapon pour potage au blanc. Le registre donne encore une liste « d’entrées », dans lesquelles on voit surgir des tourtes à la braise et des dindons grillés, des poulets gras aux truffes, des perdreaux et des poulets dépecés aux truffes ».

Selon Marie-Françoise de La Forest, auteur de À la Table du roi soleil, récits et recettes (Éditions du Rêve, 2017), on doit comprendre que le potage était accompagné des pâtés et des ragoûts. Ce dernier terme, pris au sens très large désigne les aliments ayant cuit ensemble dans une marmite où l’on trouve jus lié, pain, viande, épices ou autre. Tout ce qui n’est pas « potage » s’intitule « entrée ». Nous savons par ailleurs que Louis XIV adorait les fraises et les petits pois, tous cultivés dans son potager, et qu’il ne dédaignait pas les crêtes et les couilles de coq.

Delon-Hoebanx, 10 bis Rue Descombes, 75017 Paris

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