Les promesses des artistes

Publié le 30/08/2021

Georges Lafenestre (1837-1919) était autant poète qu’historien et critique d’art. Conservateur au musée du Louvre, il fut élu à l’Académie des Beaux-Arts, le 6 février 1892, au fauteuil de Jean Alphand. Lié avec José-Maria de Heredia, il fréquenta des Essarts, Sully Prudhomme, Henri de Régnier, Barrès, Colette, Henry Gauthier-Villars, et Pierre Louÿs. Il a laissé une trentaine d’ouvrages, des recueils de poèmes et des essais critiques, notamment Artistes et amateurs, publié en 1899 par la Société d’Édition Artistique. Dans cet ouvrage, Georges Lafenestre décrit le Titien et les princes de son temps.

La Vénus du Titien.

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« Après avoir fait admonester le Romain, Alphonse se retourna pour le tancer, du côté du Vénitien, qui ne déclinait point, il est vrai, comme son jeune confrère, l’honneur de le servir, mais qui n’y mettait point, selon lui, un suffisant empressement. Il chargea naturellement Tebaldi de cette agréable besogne : « Messire Jacomo, lui écrit-il le 29 septembre 1549, nous pensions que le peintre Titien devait enfin une bonne fois achever notre peinture. Comme nous voyons qu’il n’en tient pas grand compte, nous voulons que vous alliez le trouver au plus vite. Vous lui direz de notre part que nous nous émerveillons beaucoup qu’il ne veuille pas achever cette peinture et qu’il faut de toute manière qu’il en vienne à bout ; autrement, nous en éprouverons un grand ressentiment et nous lui prouverons qu’il aura desservi quelqu’un qui saura bien le desservir à son tour et lui faire connaître que je ne suis pas de ceux qu’on berne. Et parlez-lui ferme, car nous avons décidé qu’il finirait l’ouvrage commencé, suivant sa promesse, et, s’il ne le fait pas, nous saurons bien aviser ; informez-moi immédiatement de sa réponse ».

Ces grosses colères, heureusement, ne duraient pas. Quand Titien, le 22 octobre, porta sa toile à Ferrare, le duc lui avait pardonné. Durant toute l’année suivante, il lui témoigna sa confiance en l’accablant de commissions. Il est vrai qu’il attendait alors de lui un autre travail, probablement la seconde toile pour le cabinet ; lorsqu’il vit, un an après, qu’elle n’arrivait pas, il recommença à s’impatienter. Tebaldi, loin de le calmer, lui transmettait toute sorte de bruits désagréables : le peintre travaillait pour vingt personnes à la fois, il était en pourparlers continuels avec un légat, Averoldo Averoldi, il avait fait pour ce prêtre un Saint Sébastien merveilleux ! À cette nouvelle, le duc se fâcha derechef et reprit sa bonne plume : « Messire Jacomo, écrit-il le 17 novembre 1520 à son fidèle agent, voyez à parler à Titien, dites-lui de ma part qu’à son départ de Ferrare il me fit bien des promesses… Jusqu’à présent, nous ne voyons pas qu’il en tienne aucune ». (À suivre)

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