Les samouraï en garde
Le Japon, déjà très présent sur le marché de l’art grâce à ses estampes anciennes et nouvelles, ses armures et ses armes, vient de frapper avec des objets déjà connus, mais cette fois en nombre : les gardes ouvragées des sabres des samouraïs japonais, autrement dit les tsuba. Une collection de 220 pièces, réunies par Patrick Liebermann (1948-2023), a été dispersée à Drouot, le 20 septembre dernier par la maison Tessier Sarrou, assistée par le cabinet Portier. Comme toutes les gardes, elles servent à protéger la main et à l’empêcher de glisser de la poignée sur le tranchant de la lame, d’en assurer l’équilibre par contrepoids. Les historiens font remonter les premiers tsuba au VIe siècle avant de devenir plus fréquents au VIIIe. Ils n’avaient alors, et ceci jusqu’au dix-septième siècle, qu’une fonction purement défensive et n’étaient qu’un simple cercle de métal nu. Puis tout changea à partir de l’époque d’Edo (1600-1868). La classe des militaires chercha à se faire valoir et le tsuba devint un objet décoratif montrant le niveau social de son possesseur.
Patrick Lierberman a raconté qu’il découvrit les tsuba en 1970, lors de l’Exposition universelle d’Osaka. Il se demanda à quoi pouvait bien servir ces petits disques très ouvragés, percés d’une fente en leur centre. Ce fut un coup de cœur, le collectionneur se réveilla en lui. Il chercha, fouilla, apprit et fort de sa nouvelle expérience, il se mit en quête de ces objets précieux qu’il découvrit au cours de ses nombreux voyages au Japon, trente, dit-on. Il privilégia certaines écoles plus tardives mais très luxueuses qui utilisaient des matériaux nobles comme le shakudo, un alliage d’or, le shibuichi un alliage d’argent, le sentoku et suaka, deux alliages de cuivre. Il rechercha naturellement la pièce unique, se penchant davantage sur les thèmes traités et la finesse des ouvrages. Un tsuba de forme Mokko gata en fer incrusté en hira zogan d’or et de shibuichi avec un dragon au-dessus des vagues écumantes devant le mont Fuji, ajouré en kage-sukashi à son sommet, de l’École Tanaka, daté de la fin de l’époque Edo (1603 – 1868), signé Sodetome urabe ni oite, Toshikage [Toshikage, au bord de la baie de Sodetome] et kao, a été adjugé 22 750 € pour une estimation de 800/1 000 €.
Les amateurs ne se sont pas trompés. Alors que le plus grand nom de tsuba mis en vente était estimé entre environ 700 et 3 000 €, trois autres pièces ont obtenu des enchères élevées, notamment, également de l’école Tanaka, un Kakumaru gata, une face en fer incrusté en taka zogan de suaka et argent de Fujin vidant son sac à vent, l’autre face en shibuichi à décor de feuilles et bourrasques. Celui-ci est signé Hokkyô Kiyoshige zo et Keiô shi Tatsu hachigatsu, et daté du 8e mois de Keio 4 (1868). Il a été emporté à 11 050 €. Un troisième tsuba de l’École Rinsendô, daté du XVIIIe siècle, à décor en kata kiri bori de corbeaux sur un saule et volant devant la pleine lune, a, quant à lui, trouvé preneur à 9 750 €.
Référence : AJU015q2
