Les traîneaux fantastiques de Compiègne
Les pièces les plus prestigieuses de la plus belle collection de traîneaux en Europe
Musée de Compiègne
La neige ayant fondu dans nos contrées, les traîneaux, ces véhicules de rêve, ont été remisés. Il nous reste le son des grelots de la Promenade en traîneau de Léopold Mozart pour nous imaginer glisser dans les allées des parcs recouverts d’une couverture cotonneuse. Nous avons encore les tableaux des peintres russes, qui nous ont habitués aux chevaux tirant des troïkas sur des pistes enneigées parmi les forêts de bouleaux. Les traîneaux n’ont pourtant pas totalement disparu. Le musée du château de Compiègne, qui possède déjà une importante réunion de voitures hippomobiles, a ressorti après les avoir restaurées les pièces les plus prestigieuses de la plus belle collection de traîneaux d’Europe.
Dans la grande galerie de bal du château, des monstres mythologiques, griffon ailé, hippocampe, dragon ou salamandre, et même un aigle, forment une sarabande qui rappelle les parades anciennes. À Versailles, lorsque la neige recouvrait les allées du parc, les rois, les princesses et les courtisans aimaient se promener en traîneau. Mieux encore, glisser sur le Grand-canal gelé. Ce qui était grisant, mais pas sans danger. On cite souvent la mésaventure de Mademoiselle d’Avrillon, première femme de chambre de l’Impératrice Joséphine, qui, le 9 janvier 1811, se brisa les deux jambes après une chute, non pas de traîneau mais d’un fauteuil que des « gentilshommes faisaient voler sur la glace de toute la rapidité de leurs élans. » En réalité, les patineurs tentant d’éviter une collision avec le traîneau de l’impératrice, poussèrent le fauteuil dans un chemin qui n’était pas frayé et le fauteuil culbuta. Si le fauteuil de Mlle d’Avrillon a disparu, le traîneau de Joséphine est entré, le 5 mai 2021, dans les collections du musée de Compiègne à la faveur d’une préemption des musées nationaux au cours d’une vente organisée par la maison Osenat. Ce traîneau de l’impératrice en bois doré et vert peint, a la forme d’une caisse en coquille sculptée en demi-ronde bosse, ornée de deux griffons aux ailes déployées sur les côtés. Il est orné sur le devant d’une statuette en bois doré sculptée représentant la déesse « Hébé ». L’arceau à l’avant est enrichi de trente-trois grelots et deux clochettes, surmonté d’un aigle en bois sculpté doré, aux ailes éployées. Empire oblige.
Dans l’Art du menuisier, paru en 1771, André-Jacob Roubo précisait que le traîneau devait « être très riche, vu qu’ils [les traîneaux] ne servent qu’aux Princes ! » Pas seulement pour s’amuser, rapporte Maria-Anne Privat, commissaire de cette exposition, mais aussi pour l’apparat à l’occasion de fêtes auxquelles participait toute la population. Les traîneaux les plus anciens connus datent du XVIIe siècle ; mais la mode du traîneau d’apparat perdurera jusqu’au XIXe siècles. La restauration de ces objets lumineux sortis pour la plupart des ateliers de grands ébénistes et carrossiers et même des drapiers, permet de transmettre un art de faire et un art de vivre qu’il ne faut surtout pas oublier.
Référence : AJU011g1