Les Traversées de Paris à la plume et à l’écran
Emilio Ronchini / Mondadori Portfolio, Public domain, via Wikimedia Commons
La nouvelle de Marcel Aymé (1902-1967), La Traversée de Paris, est parue dix ans avant le film, soit en 1946 à la Galerie Charpentier (grand in-4 en feuilles, sous couverture beige + étui de l’éditeur). Un des 250 sur pur fil, après 50 sur vélin de Lana, sera mis en vente à Lyon, le 17 octobre 2024 par Médicis Enchères, Clément Schintgen étant au marteau, avec une estimation de 150/200 €. Il est orné par 14 gravures : un frontispice, une tête de chapitre et 12 à pleine page par Jean Oberlé.
Les scénaristes du film, Jean Aurenche et Pierre Bost, ont exploité le cynisme de Granjil, le peintre incarné par Jean Gabin, et la naïveté de Martin, le chauffeur de taxi au chômage personnifié par André Bourvil, au contraire de l’auteur de la nouvelle, Marcel Aymé. La fin de la nouvelle est noire, comme souvent s’achèvent ses récits. Lorsque Martin découvrit que Grandgil était un peintre aisé qui ne l’avait accompagné dans son expédition nocturne que pour s’amuser, il entra en fureur et, au cours de la bagarre qui s’ensuivit, le poignarda. Plus tard, il se livra à la police avec un sentiment de justice accomplie. La dernière image du film, moins noire, est toutefois empreinte d’une certaine amertume. On voit, après la fin de la guerre, Grandgil sur le quai d’une gare, suivi par un porteur de valises comme il en existait autrefois. On l’a deviné, le porteur est Martin. Les deux hommes s’exclament, mais le spectateur sait qu’ils ne se reverront jamais.
La nouvelle La Traversée de Paris fut insérée dans le recueil Le Vin de Paris (Gallimard, 1947, in 12), qui en comporte huit. Un exemplaire du tirage de tête, un des 20 sur vélin de Hollande relié par Louise Lévêque, en demi-maroquin lie-de-vin à coins à la bradel, a été adjugé 700 €, à Drouot, le 9 février 2022, par la maison Oger Blanchet, assisté par Michel Siegelbaum.
La Traversée de Paris, le film réalisé en 1956 par Claude Autant-Lara, a quelque peu occulté le déroulement de la nouvelle de Marcel Aymé dont il est tiré. La truculence de Jean Gabin et la bonne volonté d’André Bourvil, les deux protagonistes du scénario, ont assuré le succès du film. La présence de Louis de Funès en épicier intéressé et peureux, a encore permis d’inscrire un morceau d’anthologie dans l’histoire du cinéma. On entend encore la voix de stentor de Gabin hurler le nom de Jambier, afin de le forcer à augmenter le prix du transport. On revoit volontiers ces héros chargés d’une grosse valise remplie de quartiers de cochon, traverser la ville occupée par les Allemands. Le film fut présenté à la Mostra de Venise 1956, où Bourvil remporta la Coupe Volpi du meilleur acteur. « Cependant, le cynisme de l’ère de l’Occupation représenté dans ce film n’est pas considéré comme conventionnel à l’époque de sa sortie, ce qui provoqua quelques controverses », explique un critique. Il reste que ce film apporte un témoignage à cette période noire de notre histoire.
Référence : AJU015q1
