Les tribulations des Fleurs du mal
Cet exemplaire de la « seconde édition originale » datée de 1861, dans un coffret signé Julie Nadot reproduisant les plats de couverture et le dos de l’ouvrage, était affiché 23 000 €
Le Feu Follet
Quoique l’on dise, quoique l’on fasse, en matière de bibliophilie, l’édition originale des Fleurs du mal de Charles Baudelaire conserve tous ses attraits. L’histoire de ses publications successives, des corrections provoquées ou non par les procès, et nombre d’allers et retours constitueraient l’équivalent d’un tome annexe. Tout commença en 1855, lorsque la Revue des Deux Mondes publia 18 poèmes sous ce titre de Fleurs du mal, titre trouvé par le critique Hippolyte Babou. L’éditeur avait pris le soin de les faire précéder par une note : « Ce qui nous paraît ici mériter l’intérêt, c’est l’expression vive et curieuse, même dans sa violence, de quelques défaillances, de quelques douleurs morales que, sans les partager ni discuter, on doit tenir à connaître comme un des signes de notre temps ». Le dernier exemplaire passé en ventes publiques, provenant de la bibliothèque de Pierre Bergé, a été adjugé 379 €, à Drouot, le 13 décembre 2019 par la maison Pierre Bergé & Associés.
Baudelaire craignant que ses poèmes soient livrés à « une diffusion trop populaire » se tourna vers un jeune éditeur qu’avait découvert en 1856 Charles Asselineau. Le 30 décembre, le poète signa avec Auguste Poulet-Malassis et Eugène de Broise, imprimeurs à Alençon, un contrat prévoyant un tirage de six mille exemplaires vendus chacun un franc. L’ouvrage, dédié à Théophile Gautier, sortit finalement après de multiples corrections et modifications de mise en page, le 21 juin 1857. Un exemplaire de cette édition originale dans un coffret signé Julie Nadot, reproduisant la couverture de l’ouvrage, était présenté par la librairie le Feu Follet, affiché à 60 000 €, lors du Salon du Livre rare.
Le 20 août, tout juste un mois après la sortie en librairie, le procureur Ernest Pinard (1822-1909) poursuivait le recueil Les Fleurs du mal pour « offense à la morale publique, aux bonnes mœurs, et à la morale religieuse ». Le poète condamné à 300 francs d’amendes, dut ôter six poèmes de son recueil ; les éditeurs condamnés chacun à 100 francs d’amendes firent arracher les pages contenant les poèmes censurés, et les mitoyens. Quelques exemplaires ainsi mutilés circulent encore. Les imprimeurs recomposèrent typographiquement les pièces non condamnées sur des « cartons ». D’autres exemplaires, en feuilles, passèrent à travers les fourches de la justice. Les pièces condamnées restèrent interdites sur le territoire français jusqu’au 31 mai 1949.
Les éditeurs préparèrent une seconde édition dans le même format, sans les six pièces condamnées, mais comprenant 35 poèmes nouveaux, faisant de cette publication une « seconde édition originale », datée de 1861, qui fut tirée à mille cinq cents exemplaires dont quelques-uns sur vélin, Hollande et 4 sur Chine. La librairie Le Feu Follet en présentait un broché, à toutes marges et sans rousseurs, dans un coffret signé Julie Nadot reproduisant les plats de couverture et le dos de l’ouvrage, affiché 23 000 €.
Le Feu Follet, 31 rue Barbusse, 75005 Paris
Référence : AJU010l8
